Il suffit d'un Amour Tome 2
lui disait Sara. Les hommes oublient facilement les femmes quand le démon de la guerre les tient.
— Arnaud fait tout ce qu'il peut pour m'écarter de lui... Il ne viendra jamais me chercher.
— L'autre capitaine, celui qui a des cheveux rouges, tiendra la promesse qu'il t'a faite. J'en suis sûre, car, au moins, celui-là a de l'amitié pour toi.
Quant à l'autre, s'il est si dur, c'est peut-être qu'il a peur de toi et ne se sent pas sûr... Sois patiente, attends...
— Attendre, attendre, répondit Catherine avec un sourire amer. Je ne fais que cela ! Attendre et prier...
— Quand on prie, on ne perd jamais son temps. Continue !
Un matin, pourtant, comme Catherine sortait de la messe, une religieuse vint lui annoncer qu'on la demandait au parloir.
— Qui peut venir ? s'étonna Catherine en s'efforçant de faire taire en elle l'espoir brusquement surgi.
— Messire de Vignolles avec un moine et un autre personnage que je n'ai jamais vu.
Allons, ce n'étaient pas encore eux ! Tirant sur ses cheveux le voile de soie bleue qui allait glisser sur ses épaules, Catherine confia son livre d'heures à Sara et gagna le parloir. Mais, quand la porte s'ouvrit devant elle, elle reçut un si violent coup au cœur qu'elle dut se retenir pour ne pas crier. Arnaud était en face d'elle, avec frère Étienne Chariot et La Hire.
Vous ! souffla-t-elle, vous êtes venu... Gravement, sans sourire, il inclina brièvement sa haute taille.
— Je suis venu vous chercher. Frère Étienne que voici arrive de Rouen où Jehanne est captive depuis la Noël. Il nous apporte un moyen d'entrer dans la ville, ce qui n'est pas aisé car de nombreuses troupes anglaises la tiennent.
Catherine était heureuse de revoir frère Étienne. Il y avait beau temps qu'elle ne s'étonnait plus de le voir paraître ou disparaître sans prévenir. Elle savait que l'agent secret de Yolande d'Aragon ne pouvait avoir la vie de tout le monde. Mais elle serra chaleureusement les mains du petit cordelier.
— Ainsi, vous savez où est Jehanne ? demanda-t-elle sans regarder Arnaud car elle ne se sentait pas sûre d'elle et craignait de paraître trop émue.
— Elle est au château de Rouen1, gardée dans un cachot du premier étage de la tour de Bouvreuil qui donne sur les champs. Cinq soldats anglais la surveillent jour et nuit : trois dans le cachot même et deux à la porte. De plus, elle est enchaînée par les pieds à une énorme pièce de bois. Bien entendu, la tour et le château regorgent de soldats car le jeune roi Henry VI et le cardinal de Winchester2, son oncle, logent au château.
A mesure qu'il parlait, le cœur de Catherine se serrait, le visage d'Arnaud et de La Hire se rembrunissaient.
— Autrement dit, fit le Gascon, on ne peut l'atteindre ! Tuer cinq hommes n'est rien mais il semble qu'il y en ait beaucoup d'autres !
Frère Étienne haussa les épaules. Son visage jovial avait perdu sa gaieté.
Des plis nombreux se creusaient sur son front.
— Dans un cas semblable, la ruse a souvent plus de chances que la force.
Jehanne sort chaque jour pour se rendre aux séances du procès.
— Construit jadis par Philippe-Auguste.
— Henry Beaufort. On l'appelait aussi le cardinal d'Angleterre.
Un même cri sortit de la poitrine des trois auditeurs du moine.
— Un procès ? Qui le lui fait ?
— Qui voulez-vous que ce soit ? Les Anglais, bien sûr. Mais sous les couleurs d'un procès religieux. C'est devant un tribunal ecclésiastique qu'elle comparaît, composé exclusivement de prêtres dévoués aux Anglais. La plupart viennent de l'Université de Paris qui leur est tout acquise. L'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, le préside avec l'aide de son ami Jean d'Estivet, promoteur du procès. On dit qu'il a promis à Warwick la mort de Jehanne et je le crois capable d'y parvenir.
Le nom avait frappé Catherine. Elle revoyait l'universitaire aigri et besogneux du temps de la Caboche, le prélat bouffi d'orgueil et de suffisance rencontré à Dijon. Certes, le juge de Jehanne devait être à la hauteur des deux autres personnages. En se rappelant la dureté des petits yeux jaunes de l'évêque, la jeune femme frissonna. En de telles mains, Jehanne n'avait à attendre ni pitié ni merci.
— Le but de ce procès ? demanda La Hire avec hauteur.
— Déshonorer le roi de France en démontrant que sa couronne lui a été gagnée par une sorcière et une hérétique, apaiser la rancune des Anglais en livrant Jehanne au bûcher,
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