Il suffit d'un Amour Tome 2
même point de vue. Les formes même du...
contrat que Votre Altesse passa autrefois avec mon mari...
Pour la rejoindre, Philippe s'était levé, mais une fois debout, il eut un étourdissement, ses jambes se dérobèrent sous lui et il s'appuya à l'épaule de Catherine.
— J'aimerais mieux continuer cette conversation assis... fit-il avec un demi-sourire... à moins que cela ne vous ennuie. Sinon, offrez-moi votre bras, pour une fois, et allons nous asseoir dans un coin tranquille. Non, pas dans votre jardin. Je ne tiens pas à ce que l'on nous surprenne. Mais si vous vouliez m'accompagner jusqu'à ce bouquet d'arbres où j'ai attaché mon cheval...
Lentement, à pas prudents, ils redescendirent vers l'endroit indiqué.
Catherine, prise d'un vague remords, prenait un soin extrême à guider Philippe sans se rendre compte que les pas du duc se raffermissaient de seconde en seconde. Il est vrai qu'il continuait à peser aussi lourdement sur son bras, mais c'était surtout pour pouvoir mieux respirer l'odeur des cheveux de la jeune femme. Arrivés à l'endroit où le cheval attaché attendait tranquillement, il s'assit dans l'herbe, entraînant Catherine avec lui. Les arbres leur cachaient le ciel et leurs troncs les enfermaient presque aussi bien que dans une maison... Il n'y avait pas de vent et la nuit était tiède, autant qu'une nuit d'été. Seulement un peu plus sombre. Le visage de Catherine et son cou faisaient une tache claire à laquelle se rivait le regard du prince. Il avait gardé dans les siennes la main de la jeune femme et, la sentant vaguement émue, grâce à cette science étrange qu'il avait des réactions féminines, il ne voulut pas l'effaroucher.
— Causons, maintenant, fit-il doucement et réglons nos comptes une bonne fois. Nous sommes seuls et bien seuls. Aucune curiosité intempestive, aucune entrave de cour ou de protocole. Il n'y a plus ici un duc et une sujette, mais un homme et une femme. Il y a vous, Catherine, et il y a moi, Philippe.
Dites-moi, bien franchement, ce que vous me reprochez.
Bien entendu, sur le moment, Catherine ne trouva plus rien à dire. Il en est toujours ainsi lorsque l'on accumule des griefs durant des semaines : on se trouve pris de court lorsque l'on est calmement prié de les exposer. Le moyen de se mettre en colère avec un homme qui parlait si doucement, qui mettait tant de bonne grâce à supprimer, entre lui et son interlocutrice, les distances ? Comme la jeune femme se taisait toujours, ce fut encore Philippe qui demanda :
— Mon amour vous offense donc tellement ? Ou bien est-ce que je vous déplais si fort ?
— Ni l'un ni l'autre, fit-elle franchement. En fait, Monseigneur, j'en aurais sans doute été touchée... si l'on ne me l'avait présenté comme une obligation. Depuis le moment où j'ai su que je devais épouser Garin de Brazey, j'ai su aussi qu'il me faudrait encore...
Elle s'arrêta, n'osant poursuivre. Une fois de plus, le duc vint à son secours en souriant.
— Qu'il vous faudrait encore passer par mon lit. Devrais-je vous rappeler que vous y avez dormi une grande nuit... dans mon lit, et qu'il ne vous est advenu aucun mal ?
— C'est vrai, Monseigneur et, je le confesse, sur le moment, je n'ai pas compris...
— C'était pourtant bien simple. Ce soir-là, j'ai voulu mettre à l'épreuve votre... dirai-je, obéissance de fidèle vassale ? Vous avez obéi. Mais j'eusse été le dernier des hommes si j'en avais lâchement profité. Si je me suis montré brutal, c'est simplement parce que j'étais jaloux. Mais, mon cœur, ce que je veux que vous sachiez bien, c'est que je ne vous contraindrai jamais.
C'est de vous, et de vous seule, que je veux vous tenir.
Il s'était penché vers elle pour lui parler de plus près. Son haleine chaude caressait la nuque inclinée. Dans la nuit qui les environnait, sa voix prenait une chaleur, un charme que Catherine ne lui avait encore jamais connus.
Elle sentait qu'à cet instant il était sincère et elle se défendait mal contre le trouble que faisait naître en elle la musique des mots d'amour murmurés dans l'ombre. Pour secouer le charme, elle voulut rappeler sa rancune.
— Pourtant, ce marché que vous avez conclu avec Garin ?
— Quel marché ? demanda Philippe avec une nuance de hauteur involontaire. C'est la seconde fois que vous y faites allusion. Je n'ai passé aucun marché avec Garin de Brazey. Pour qui donc nous prenez-vous, l'un et l'autre ? J'ai ordonné à l'un de mes
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