Il suffit d'un Amour Tome 2
plus fidèles serviteurs d'épouser une jeune fille admirablement belle et dont j'espérais parvenir à me faire aimer, mais cette espérance je ne lui en ai point fait confidence. Je le répète, j'ai ordonné. Et lui, en sujet de valeur, il a obéi sans discuter. Voilà tout ! Ai-je vraiment commis un crime en voulant que vous fussiez riche, noble, à la place qui vous convient ?
Catherine secoua la tête et frissonna. Ce dont Philippe s'autorisa pour entourer ses épaules d'un bras en prétextant qu'elle devait avoir froid. Elle ne protesta pas. Les yeux perdus dans le vague, sensible seulement à la pression de ce bras autour d'elle et incapable de retrouver trace de sa colère, elle murmura :
— Un sujet de valeur en effet... d'une fidélité à toute épreuve et qui, si vous ne lui avez rien demandé, a dû comprendre à demi-mot. Car, enfin, Monseigneur, en me donnant un mari, vous deviez supposer qu'il exercerait ses droits ? Pourtant, il n'en a rien fait. Il a même toujours refusé farouchement de me toucher.
— Le lui avez-vous donc demandé ?
Catherine tourna la tête vers lui pour tenter de
scruter ce visage d'ombre. Le défi sonna dans sa voix.
— Je me suis offerte à lui, un soir. Offerte dans des conditions telles qu'aucun homme n'aurait résisté. Il a failli succomber mais il s'est repris en disant que c'était impossible, qu'il n'avait pas le droit de me toucher. Vous voyez bien qu'il me considère comme vous appartenant.
Elle avait senti, avec une joie méchante, le bras de Philippe se crisper autour de ses épaules, mais il n'y avait aucune colère dans sa voix quand il répliqua :
— Je vous l'ai dit, jamais ce sujet n'a été évoqué entre lui et moi. Et peut-
être ne pensait-il pas à moi en prononçant ces paroles.
— À quoi alors ? Ou à qui ?
Philippe ne répondit pas tout de suite. Il réfléchissait peut-être. Enfin, il dit brièvement :
— Je ne sais pas !
Un silence tomba entre eux. Au fond de la campagne, un chien aboya, une chouette hulula, mais cela ne diminua pas l'impression de Catherine qu'elle et le duc étaient pour le moment seuls au monde. Il était tout contre elle maintenant, la tenant appuyée contre sa poitrine.
Il l'avait, tout en parlant, enveloppée de ses deux bras et, instinctivement, elle avait appuyé sa tête sur l'épaule du prince. Cet instant était doux et Catherine en avait momentanément assez des combats stériles. Puisque Arnaud l'oubliait dans les bras d'une autre, pourquoi refuserait-elle un amour si ardent, un amour sincère et qui ne cherchait rien d'autre qu'assurer son bonheur. Un léger parfum d'iris se dégageait des vêtements de drap grossier portés par Philippe. Il la berçait doucement, comme un tout petit enfant, et elle lui était reconnaissante de ne pas tenter de caresses plus précises. Mais elle sentait son souffle dans ses cheveux et sur son cou, à travers l'épaisseur des nattes qui tombaient de chaque côté de sa tête. Les yeux clos, elle demanda doucement :
— Souffrez-vous encore, Monseigneur ?
— Cessez de m'appeler Monseigneur. Pour vous, je ne suis que Philippe.
Je veux oublier tout le reste. Quant à souffrir, non je ne souffre plus. Au contraire, je suis heureux... heureux comme je ne l'ai pas été depuis longtemps. Vous êtes là, je vous tiens dans mes bras et vous ne me jetez plus de paroles dures. Vous m'avez laissé vous parler et vous ne me repoussez plus. Catherine... ma belle, ma merveilleuse Catherine. !... Est-ce que... Est-ce que je peux espérer un baiser ?
Dans l'ombre, Catherine sourit. Le ton humble et presque enfantin qu'il employait la touchait plus qu'elle ne voulait l'admettre. Elle se souvenait de l'orgueilleux seigneur qui savait si bien agir, parler en maître, qui l'avait tutoyée à première vue comme si elle lui appartenait déjà. Ce soir, il n'était plus qu'un homme passionnément épris...
Elle fit un tout petit geste qui mit sa bouche presque contre celle de Philippe.
— Embrassez-moi, dit-elle seulement, sans la moindre hésitation.
Tout était simple soudain. Elle se souvenait, avec un certain plaisir, du baiser d'Arras et quand les lèvres de Philippe touchèrent les siennes, elle poussa un léger soupir et ferma les yeux. Elle sentait, instinctivement, qu'avec cet homme à la fois froid et passionné, la joie d'amour était une affaire sûre. Il savait amener sa partenaire à l'oubli progressif des choses et des êtres parce qu'il savait dominer ses
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