Il suffit d'un Amour Tome 2
d'escalade. Sa silhouette demeurait vague dans les ombres de la nuit. Mais la jeune femme pouvait voir le chaperon qui la coiffait s'élever peu à peu, masquant la tête. Cette fois le visiteur semblait décidé à franchir le mur et à pénétrer chez Mathieu...
Les yeux fixés sur la forme noire, Catherine leva son gourdin avec un sentiment de délectation, celui de la chatte qui voit l'innocente souris s'approcher de sa griffe. Quand la tête du nouveau venu lui parut à bonne portée, elle frappa de toutes ses forces. Avec un cri étouffé, un froissement de feuilles et une dégringolade de pierres, le visiteur nocturne s'effondra sur le chemin. Emplie d'une intense sensation de victoire, Catherine mit son bâton sous son bras et, après s'être assurée que l'homme ne bougeait pas, s'en alla jusqu'à la maison chercher une lanterne.
Quand elle revint, deux ou trois minutes plus tard, en passant, cette fois, par la porte du jardin, sa victime commençait à s'agiter. Catherine, qui n'avait pas lâché son gourdin, s'agenouilla pour voir à qui elle avait affaire.
D'un coup de doigt preste, elle fit sauter le chaperon à la plume noire, approcha sa lanterne du visage et recula avec une exclamation de surprise en constatant qu'elle avait assommé le duc Philippe en personne.
Catherine ne réalisa pas tout de suite ce qu'elle avait fait, mais pendant un instant elle ne sut plus à quel saint se vouer. Heureusement Philippe s'agitait faiblement, sinon, elle eût pu croire qu'elle l'avait tué... Mais aussi, comment deviner que le tout- puissant duc de Bourgogne se cachait sous le simple uniforme d'un soldat de sa propre garde ? Retrouvant un peu de présence d'esprit, elle posa sa main sur le front de l'homme étendu. Il était chaud, mais sans excès et ne montrait aucune blessure. Sans doute, Philippe devait-il une fière chandelle à l'épaisseur de son chaperon dont le drap solide avait amorti considérablement le choc du gourdin, car Catherine avait tapé de toutes ses forces.
Elle hésita à revenir à la maison chercher du secours. Si Philippe se cachait avec tant de soin c'est qu'apparemment il ne tenait pas à ce que sa présence fût divulguée. Se souvenant du puits du jardin, elle courut en tirer un seau d'eau, y trempa son mouchoir et revint l'appliquer sur le front de Philippe. Le remède fit merveille. Le puits était profond, l'eau très fraîche.
Au bout d'un instant, le duc ouvrit les yeux et sourit en reconnaissant la jeune femme.
— Je vous trouve enfin, belle vagabonde ? fit-il en riant. Ce n'est pas sans peine. Où donc vous cachiez-vous ? Le moins que l'on puisse dire c'est que vous êtes bien gardée... Houh !... ma tête ! fit-il en portant la main à son crâne. Que m'est-il arrivé ?
— On vous a assommé, Monseigneur...
— Et l'on n'y a pas été de main morte. À qui dois-je cette aventure ?
Catherine baissa le nez pour cacher sa confusion et prit, derrière son dos, le gourdin qu'elle avait abandonné :
— A ceci, Monseigneur... et à moi ! Si vous voulez bien me pardonner...
Une seconde, Philippe, suffoqué, resta muet puis, brusquement, il éclata de rire. Un vrai fou rire de gamin qui n'avait rien de princier.
— Je ne pensais pas vous devoir ce genre de souvenir, ma mie... Ce sera sans doute la plus belle bosse de ma vie. La plus précieuse, en tout cas...
Il se redressait tout à fait et, assis, s'emparait de la main de Catherine qu'il portait à ses lèvres. Gênée, la jeune femme voulut retirer sa main, mais Philippe tenait bon.
— Ah, non, pas de fuite ! Vous me devez bien cela ! Quand donc cesserez-vous de vous mettre hors la loi, ma chère ? La première fois que je vous ai vue, vous faisiez du scandale sur la voie publique en pleine procession. Ensuite, vous avez forcé ma porte pour m'arracher des prisonniers... Et maintenant, voilà que vous me tapez dessus avec un gourdin
? Ne croyez-vous pas que vous êtes un peu ma débitrice ?
— Je l'avoue, Monseigneur. Mais je ne sais comment m'acquitter...
En me répondant franchement. Pourquoi cette fuite, cette retraite à la campagne ? Quand nous nous sommes quittés à Arras, j'ai cru que tout était aplani entre nous... que l'entente régnerait à l'avenir et que... vous cesseriez enfin de jouer les rebelles.
Doucement, Catherine retira sa main et se leva, nouant.ses mains derrière son dos.
— Je l'ai cru aussi, Monseigneur. Mais j'ai compris, depuis, que nous ne considérions pas les choses du
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