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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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choses au point, la duchesse se tourna vers Garin.
    — Laissez-nous, maintenant, Messire. Nous souhaitons nous entretenir avec votre jeune épouse de questions ménagères et féminines qui ne sont guère intéressantes pour des oreilles masculines.
    La duchesse, ayant vu le jour et passé toute sa jeunesse en Hollande, en avait apporté de solides qualités ménagères, l'amour de l'ordre et d'une maison bien tenue. Elle ne dédaignait pas de s'occuper elle- même du train du palais, veillait aux dépenses de sa maison, aux cuisines et même à la basse-cour. Elle savait, à l'unité près, le compte de ses draps, le nombre des dindons et si la dépense de chandelles était normale ou pas. De plus, elle avait le goût des animaux singuliers. Un marsouin était élevé dans un bassin creusé au milieu du jardin du palais et la duchesse donnait ses soins les plus tendres à un porc- épic pour qui elle avait fait construire une niche au bas de l'escalier de la tour Neuve1. Elle avait aussi un grand perroquet, un merveilleux cacatoès blanc à huppe rose qu'un voyageur vénitien avait rapporté pour elle des îles Moluques. Comme justement un page apportait l'oiseau, hiératique et grognon sur son perchoir d'or, le sujet de conversation entre Catherine et la duchesse fut tout de suite trouvé.
    1. Aujourd'hui tour de Bar.

    Catherine admira le plumage éclatant de l'oiseau avec une sincérité qui lui gagna le cœur de Marguerite, parla discrètement de son Gédéon sur lequel maintes et maintes questions lui furent posées avec un intérêt non dissimulé. La duchesse avait donné à son oiseau le nom de Cambrai qui avait vu son mariage avec le duc Jean. Elle s'amusa fort des méfaits de Gédéon et de son exil chez le petit médecin maure.
    — Il faudra nous amener et l'oiseau et son gardien, fit Marguerite.
    Nous sommes curieuse de voir aussi bien l'un que l'autre. Et peut-être ce physicien infidèle pourra-t-il quelque chose pour nos maux, qui sont nombreux.
    La duchesse était si enchantée de sa nouvelle dame de parage, que, lorsque les écuyers de bouche apportèrent la collation, elle fit servir Catherine la première. Comme boisson on servit du galant, ce vin cuit fortement aromatisé, que feue la duchesse Marguerite de Flandres avait mis à la mode et qu'elle ne dédaignait pas de fabriquer ellemême. Des gâteaux et surtout le boichet, fait de farine et de miel1
    composaient le léger repas.
    Dans cette atmosphère de bienveillance et de sympathie, Catherine oubliait sa timidité. Elle sentit qu'elle se plairait, dans ce cercle, même si deux ou trois de ses nobles compagnes, comme Marie de Vaugrigneuse, lui faisaient grise mine. Elle grignota deux darioles et but un gobelet de galant avec plaisir. Garin lui avait dit que la duchesse appréciait les appétits vigoureux à la mode de son pays.
    La collation se terminait et les valets emportaient les reliefs, quand un page vint annoncer à la duchesse qu'un chevaucheur de la Grande Écurie du Duc arrivait d'Arras avec un message urgent.
    — Conduisez-le ici ! ordonna Marguerite.
    I. L'ancêtre du célèbre pain d'épices dijonnais.
    Quelques minutes plus tard, un pas rapide faisait résonner les dalles du vestibule sous une paire de sole- rets de fer. Un homme, pas très grand mais singulièrement vigoureux, portant l'uniforme de drap vert garni de plaques d'acier des chevaucheurs ducaux, entrait presque aussitôt et, conduit par un page, venait s'agenouiller aux pieds de la duchesse. Il avait ôté son casque poudreux qu'il tenait sous le bras et, de son tabard brodé aux armes ducales sortait un rouleau de parchemin qu'il tendit, tête respectueusement inclinée. Cette tête aux épais cheveux noirs coupés carrément, Catherine la regardait avec une surprise encore hésitante, mais qui, à mesure que la conviction se précisait, se faisait plus grande et plus joyeuse. Est-ce que vraiment, ce pouvait être lui ? Est-ce qu'elle n'était pas le jouet d'une illusion ?
    Le profil busqué était tellement semblable à celui dont elle avait gardé le souvenir.
    — Vous venez d'Arras en ligne droite ? demanda la duchesse.
    — En ligne droite, Madame, et aux ordres de votre Grâce !
    Monseigneur le Duc, en personne, a daigné me recommander la promptitude. Les nouvelles que j'apporte sont d'importance.
    L'homme s'exprimait sans trouble, sans hardiesse non plus et le son de sa voix, un peu plus basse que jadis mais si familière, enleva à Catherine ses

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