Il suffit d'un amour
activement du trousseau des deux princesses, les aidait à choisir les tissus, les modèles de robes, harcelant dame Gauberte, la bonne faiseuse, avec l'aide vigoureuse, il est vrai, d'Ermengarde de Châteauvillain. Elle avait eu l'adresse de se faire une alliée de la redoutable grande maîtresse par l'offrande, gracieuse autant que discrète, d'une magnifique pièce de velours de Gênes, pourpre et or, prise chez l'oncle Mathieu et qui avait fait la joie de la comtesse. Celle-ci appréciait au plus haut point les couleurs violentes et surtout le rouge vif, qui, pensait-elle, ajoutait à sa majesté naturelle. La pièce de velours et l'irrésistible sourire de Catherine, joints à une incontestable compétence en matière d'élégance et de soins ménagers, avaient définitivement rangé la comtesse du côté de l'épouse du grand argentier.
Quant à la vie privée de la nouvelle dame de parage, elle était sans histoires. Les jours passaient, paisibles et sans à-coups auprès de Garin, presque tous semblables. L'argentier recevait peu, n'aimant pas à étaler outre mesure sa fortune parce qu'il savait combien la grande richesse attire la jalousie. S'il tenait è un certain décorum, à un faste réel dans l'enceinte de ses demeures, c'était pour la seule joie de ses yeux et son unique satisfaction personnelle. Aux grands banquets, aux fêtes bruyantes, il préférait une partie d'échecs au coin du feu, la compagnie d'un livre, la contemplation de sa collection d'objets rares et, depuis quelque temps, la compagnie d'Abou-al-Khayr dont il appréciait la science et la sagesse orientale.
Les deux hommes avaient de longs entretiens auxquels Catherine assistait fréquemment mais qui la faisaient bâiller d'ennui car elle ne s'intéressait pas, comme Garin, aux mystères de la médecine et à la; science, dangereuse et subtile, des poisons. Le petit médecin maure, s'il était pour son époque un remarquable praticien, était encore beaucoup plus brillant toxicologue.
Enfin vint le temps où les princesses, Marguerite et Anne, quittèrent Dijon avec leur suite. La longue file de chevaux, de haquenées, de chariots et de mules chargées de coffres, protégée par une puissante escorte armée contre les convoitises des pillards, franchit la porte Guillaume dans les derniers jours de mars. Bien vite, derrière elle, l'enceinte fortifiée et le dessin fantastique des tours et des clochers qui faisaient ressembler Dijon, de loin, à une forêt de lances, s'estompèrent.
La gaieté, normalement de mise dans une expédition de ce genre, était cependant absente du convoi comme Catherine le constata sans surprise. La santé de la duchesse Marguerite s'était altérée, dans les dernières semaines et à son profond regret elle avait dû renoncer à escorter ses filles. C'était la comtesse Ermengarde qui la représentait et devait chaperonner les deux princesses.
Bien assise sur sa selle, emmitouflée d'une immense pelisse couleur lie-de-vin et toute doublée de renard roux, Ermengarde de Châteauvillain chevauchait à côté de Catherine. Ni l'une ni l'autre ne parlait, préférant contempler la jeune verdure qui commençait à poindre sur les branches, respirer l'air vif du matin et jouir du soleil.
Ce soleil qui entrait si difficilement dans les rues tortueuses, encaissées et empuanties de la ville... Catherine avait toujours aimé les voyages, même très courts et celui-ci lui rappelait celui qu'elle avait fait l'année précédente avec l'oncle Mathieu et qui avait été si fertile en événements.
Quant à la comtesse Ermengarde, elle aimait aussi les voyages mais pour une tout autre raison que sa jeune compagne. Outre la curiosité extrême qu'elle portait à toutes choses, elle aimait se laisser porter, au long de routes interminables par le pas doux et mesuré de sa monture.
Cela lui permettait de dormir très confortablement et elle retirait de ces siestes au grand air un grand bien-être et un appétit accru.
Le Duc de Bourgogne attendait ses sœurs à Amiens, où devaient être célébrées les doubles fiançailles, fruit de négociations menées depuis plusieurs mois avec le régent anglais et le Duc de Bretagne. Il avait fait choix d'une ville épiscopale, en principe neutre, pour ne pas peiner le Duc de Savoie, puisque les négociations patronnées par ce dernier, n'étaient pas considérées comme rompues. Mais, en fait, l'évêque d'Amiens était à sa dévotion et il se trouvait chez lui autant
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