Il suffit d'un amour
de soie pourpre où flottait la bannière du bâtard de Vendôme et ses armes, le lion hissant rayé de la rouge barre sénestre de bâtardise.
Ses grands yeux violets s'attachèrent à l'autre tente autour de laquelle on pouvait voir les armures d'argent et les plumails de héron blanc des Écossais du Connétable, tandis que les cottes noires et argent des gardes de Philippe entouraient la tente du bâtard. Derrière les murs fragiles, faits de soie bleu France, Catherine bouleversée devinait la présence d'Arnaud plus sûrement qu'en regardant l'écu d'argent à l'épervier noir pendu à la porte. Les fibres de son cœur la tiraient impérieusement vers lui et leur tension se faisait douloureuse quand elle imaginait la solitude morale de l'homme qui, là-bas, se préparait à la mort. Alors qu'il y avait grand mouvement de foule autour du pavillon de Vendôme dans lequel pages et seigneurs entraient et sortaient sans arrêt en flot mouvant et bariolé, les draperies bleues d'Arnaud ne bougeaient pas. Seul un prêtre était entré !
— Si je n'étais sûr que notre jeune présomptueux est bien là, fit derrière Catherine une voix élégamment nasillarde, je supposerais que ce tref est vide !
Ermengarde de Châteauvillain, qui faisait toute une affaire du choix d'un coussin pour y établir son vaste séant, leva les yeux en même temps que son amie, découvrit un homme de vingt-sept ou vingt-huit ans, blond, mince et élégant, mais dont toute la personne dégageait un léger parfum de fatuité. Ce jeune homme était beau, très certainement, mais, selon le sentiment immédiat de Catherine, il le savait un peu trop. Ermengarde, cependant, haussait les épaules et ronchonnait, tout de suite bourrue :
— N'essayez donc pas d'être mauvaise langue, Saint-Rémy. Le jeune Montsalvy n'appartient certainement pas à la catégorie de ceux qui se dérobent au dernier moment...
Jean de Saint-Rémy lui adressa un sourire narquois, enjamba sans cérémonie le gradin sur lequel les deux dames s'apprêtaient à prendre place et se retrouva à leur hauteur.
— Je le sais mieux que vous, dame Ermengarde. N'oubliez pas que j'étais à Azincourt. J'ai pu y voir les prodiges de valeur accomplis par un gamin qui ne devait pas avoir beaucoup plus de quinze ou seize ans ! Tudieu, quel lion ! Il vous maniait le fléau d'armes dans la mêlée avec l'aisance d'un paysan dans un champ de blé. En fait, si j'ai dit cela, c'était uniquement pour avoir une entrée en matière... afin d'être présenté à cette éblouissante dame que j'admire de loin depuis trois jours : la belle au diamant noir !
Il adressait à Catherine un si rayonnant sourire qu'elle acheva de lui pardonner sa fatuité. Acheva, car elle avait largement commencé lorsqu'il avait fait d'Arnaud un éloge si chaleureux. Le jeune homme lui parut infiniment plus sympathique, moins enluminure de missel sous son magnifique pourpoint vert, si cousu de minces rubans d'or qu'il avait l'air d'une chevelure blonde sous le vent. Une plume arrogante surmontait, sur sa tête, une sorte de toquet en forme de pot de fleurs, comme aucun homme n'en portait sur la lice. Ermengarde se mit à rire.
— Que ne le disiez-vous plus tôt sans chercher midi à quatorze heures ! Ma chère Catherine, vous voyez devant vous messire Jean Lefebvre de Saint- Rémy, natif d'Abbeville, conseiller privé de Monseigneur le Duc, grand spécialiste ès blasons, lambels, armoiries de tout poil, et arbitre incontesté des élégances de la Cour. Quant à vous, mon cher ami, vous pouvez saluer dame Catherine de Brazey, épouse de notre Grand Argentier et dame de parage de la duchesse-douairière.
Saint-Rémy salua Catherine avec toutes les marques d'une vive admiration détaillant d'un œil connaisseur sa toilette et sa parure.
— On ne peut voir Madame et ne pas tressaillir d'aise, fit-il avec enthousiasme. Rien de plus élégant que cette toilette dont la simplicité voulue met si heureusement en valeur ces magnifiques améthystes.
Dès mon arrivée dans ce hourd, je n'ai vu qu'elle et, si vous le permettez, je m'en délecte. Oui, c'est le mot, je m'en délecte !
Catherine, en effet, portait ce jour-là les améthystes que Garin lui avait offertes pour leurs fiançailles et, afin que rien ne vint détourner l'attention de la splendeur des pierreries, sa robe était de simple satin blanc à reflets mauves, mais un merveilleux satin souple qui épousait les courbes de son corps jusqu'aux hanches,
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