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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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n'aimait pas, mais qu'elle connaissait à peine. Rien que le procédé employé la révoltait. Philippe la considérait-il comme son propre bien dont il pouvait décider du sort à son gré alors qu'elle n'était même pas de son duché ? C'était cela qu'elle avait répondu à Mathieu : « Je ne suis pas sujette de Monseigneur Philippe. Je n'ai pas à lui obéir. Je n'obéirai pas ! »
    — Ce sera alors, pour nous tous, la ruine, la prison... pire peut-être. Je suis, moi, sujet du duc et fidèle sujet. Tu es ma nièce et tu vis sous mon toit. Tu lui es donc vassale, que tu le veuilles ou non...
    Il n'y avait rien à répondre à cela. Catherine, outrée de fureur, le sentait bien, mais elle ne pouvait se résoudre à se laisser livrer ainsi au bon plaisir de l'argentier, elle qui, jusque-là, avait si bien su se garder des hommes et s'était juré de continuer. Il y avait eu Arnaud, bien sûr, et l'expérience à la fois cruelle et douce vécue entre ses mains mais puisque ce bonheur-là devait lui demeurer à jamais interdit Catherine, sur la route de Flandres, s'était fait la promesse de n'être à nul autre qu'à cet homme brutal et tendre qui s'était emparé de son cœur et avait bien failli, si vite, asservir son corps.
    Dans le cerveau enfiévré de la jeune fille d'autres images d'hommes se succédaient : Garin et le tragique bandeau noir de son œil, le jeune capitaine de Roussay, si follement épris et qui peut-être, pour l'amour d'elle, pourrait commettre une folie. Un instant, Catherine envisagea de se faire enlever par le jeune homme. Jacques, elle en était sûre, ne se le ferait pas répéter, même au risque de la colère du duc Philippe et c'était là un moyen infaillible d'échapper à Brazey. Mais au pouvoir de Roussay, elle ne pourrait moins faire que le payer de sa peine et lui accorder ce dont il desséchait de désir. Or, Catherine n'avait pas plus envie d'appartenir à Jacques de Roussay qu'à Brazey. C'était toujours subir l'amour d'un homme qui n'était pas Arnaud.
    Un autre visage, brusquement, s'interposa, celui de Barnabé... Le Coquillart savait, comme personne, sortir des situations les plus difficiles. Il l'avait tirée de Paris insurgé, il avait arraché Loyse à Caboche, il les avait amenées à bon port à Dijon à travers des campagnes dévastées par la guerre, hantées de bandes féroces de soudards et de pillards. Il était l'homme de tous les miracles et de toutes les astuces. Au terme de sa longue songerie solitaire, Catherine se dit qu'elle irait trouver Barnabé car elle ne pouvait s'offrir le luxe d'attendre que le Coquillart fît à ses bourgeois amis l'une de ses rares visites. Le temps pressait.
    On ne voyait pas souvent Barnabé dans la paisible maison de la rue du Griffon, justement parce qu'elle était trop tranquille pour lui.
    Malgré l'âge, l'ancien vendeur de fausses reliques aimait toujours autant vivre dangereusement et n'avait pas renié son étrange monde, inquiétant peut-être, mais vivant et curieusement coloré. De temps en temps, il apparaissait, dégingandé, ironique, nonchalant et crasseux avec superbe. Il étendait ses longues jambes vers la flamme du foyer puis sous la table servie car Mathieu, qui l'aimait bien sans s'expliquer pourquoi, ne manquait jamais de l'inviter au repas.
    Barnabé restait là quelques heures, bavardant de choses et d'autres avec l'oncle Mathieu. Il savait toujours tout ce qui se passait sur toute l'étendue du duché et donnait parfois de précieux avis au négociant pour son commerce tels que l'arrivée d'une nef génoise ou vénitienne à Damme ou bien la venue à Chalon d'une caravane de pelletiers russes. Il connaissait aussi les potins de la Cour, le nom des maîtresses du duc Philippe et le nombre exact des colères de la duchesse-douairière. Puis il repartait après avoir pincé la joue de Catherine et salué gravement Jacquette et Loyse, s'en retournant vers son existence nocturne. Ni Mathieu, ni Catherine n'ignoraient qu'il était l'un des lieutenants du sinistre Jacquot de la Mer, le roi de la Coquille, mais aucun d'eux n'en parlait et quand, parfois, la langue acerbe de Loyse laissait échapper une allusion à la peu recommandable profession de leur ami, ils se hâtaient de lui imposer silence.

    Vers la fin du jour, Jacquette, inquiète du silence et de la longue réclusion de Catherine, vint lui porter une écuelle de soupe et quelques tranches de bœuf froid avec une jatte de lait. La jeune fille, en

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