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Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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petit fauve en jupons ? Barnabé sourit intérieurement de leur stupeur s'ils avaient pu savoir. Il finit d'ailleurs par sourire pour de bon.
    — Je verrai ce que je peux faire, dit-il enfin. Maintenant il faut rentrer chez toi. Tu n'as pas eu d'ennuis en venant ?
    En quelques mots, Catherine lui raconta sa rencontre avec Dimanche-l'Assommeur et Jehan des Écus et comment elle avait réussi à se faire respecter.

    — Ça me paraît une bonne escorte, approuva Barnabé. Je vais leur faire dire de te reconduire. Sois tranquille, tu peux avoir confiance en eux quand c'est moi qui te les donne comme anges gardiens.
    En effet, quelques minutes plus tard, toujours flanquée de ses deux sinistres compagnons, Catherine quittait la taverne de Jacquot de la Mer, y laissant Sara endormie sur les marches de l'escalier. Le retour fut aussi paisible que l'aller avait été mouvementé. Quand une ombre inquiétante se manifestait, l'un ou l'autre des deux gardiens murmurait quelques mots dans l'incompréhensible langage des truands, et l'ombre s'évanouissait dans la nuit.
    Le vent se levait amenant l'orage, quand les deux truands prirent congé de leur protégée à l'entrée de la rue Griffon. La maison de Mathieu était en vue et Catherine ne craignait plus rien. Elle s'était d'ailleurs si bien familiarisée avec sa dangereuse compagnie qu'elle put la remercier gentiment. Ce fut Jehan des Écus qui répondit pour les deux. Dans cette bizarre association il semblait être le cerveau alors que Dimanche représentait la force brutale.
    — Je mendie habituellement au portail de Saint- Bénigne, lui dit-il.
    Tu m'y trouveras toujours si tu as besoin de moi. Tu es déjà l'amie de Barnabé, tu seras la mienne aussi, si tu le veux bien.
    La voix cassée, grinçante, avait pris d'étranges inflexions, d'une douceur inattendue, qui achevèrent de détruire le mauvais souvenir de tout à l'heure. Elle savait déjà que, chez les truands, une offre d'amitié est toujours sincère parce que rien n'y oblige. De même qu'une menace ne doit jamais être dédaignée.
    La porte de la maison grinça à peine sous la main de Catherine. Elle remonta l'escalier sans faire le moindre bruit et gagna son lit. L'oncle Mathieu ronflait toujours.
    La nuit avait été trop courte pour le sommeil de Catherine. Elle n'entendit pas le beffroi de Notre- Dame sonner l'ouverture des portes et résista à la main sèche de Loyse qui prétendait la faire lever pour se rendre à la messe. Loyse, furieuse, finit par abandonner, vaincue par la force d'inertie, en prédisant à sa sœur la damnation éternelle. Mais Catherine, insensible à tout ce qui n'était pas le confort moelleux de son lit, n'en reprit pas moins paisiblement son sommeil et ses rêves.
    Il était tout près de neuf heures quand, enfin, elle descendit à la cuisine. L'atmosphère semblait y être à l'orage.

    Sur des tréteaux, près de l'âtre, Jacquette repassait le linge familial en se servant de fers creux dans lesquels elle mettait, de temps en temps, une pelletée de braises rouges. La sueur perlait à son front, sous la coiffe de toile blanche et elle pinçait les lèvres avec une expression que Catherine connaissait bien. Quelque chose avait dû la mécontenter. Elle rongeait son frein toute seule. Le fer écrasait le linge d'un geste significatif... Lui tournant le dos, assise auprès de la fenêtre, Loyse filait au fuseau, sans rien dire elle non plus. Ses doigts maigres tordaient le lin, vite, vite, et le fil s'enroulait sur la bobine placée auprès d'elle. A voir la tête qu'elle faisait, Catherine se douta que quelque chose s'était passée entre elle et sa mère.
    Mais à sa grande surprise, elle constata que Sara était rentrée. La gitane avait dû revenir aux premières lueurs de l'aube et maintenant, vêtue de son habituelle robe de futaine bleu foncé, un grand tablier blanc noué à la taille, elle épluchait tout un panier de choux de Senlis pour faire la soupe. Elle seule se retourna à l'entrée de la jeune fille et lui adressa un clin d'œil entendu. La créature passionnée de la nuit s'était rendormie au fond de l'âme de cette femme étrange et Catherine n'en trouvait plus trace maintenant sur le visage familier. Mais Loyse, elle aussi, avait vu entrer sa sœur, et, méchamment, elle siffla :
    — Saluez, esclaves, voici haute et puissante dame de Brazey... qui daigne quitter sa chambre pour descendre jusqu'à la valetaille.
    — Tais-toi, Loyse ! coupa Jacquette

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