Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
cet homme soit à genoux devant moi ?
    — Ne fais pas l'orgueilleuse, Khadjiî. Je sais que tu veux l'éblouir, et je sais pourquoi.
    — Tu ne sais rien... Cesse ces sornettes de vieille femme.
    Mais Barrira se moquait des remontrances. Provocante, elle agita la tunique sous les yeux des servantes. Le tissu jeta ses feux aussi bien que s'il avait contenu un corps.
    — Les hommes éblouis n'ont plus qu'une moitié de cervelle, clama-t-elle. Et parfois, une moitié de cervelle, c'est déjà trop.
    Les servantes gloussèrent. L'une d'elles s'enhardit :
    — Si tu ne la portes pas pour le seigneur Abu Sofyan, porte-la pour nous, saïda ! Tu seras si belle !
    Khadija hésita. En vérité, depuis le début elle masquait mal sa tentation. Barrira disait vrai. Cela ne lui déplairait pas de se montrer devant le puissant Abu Sofyan, l'homme dont le clan dominait la ville, en reine éblouissante. Une pure sottise, mais un grand désir. Finalement, elle dénoua le drap qui l'enveloppait et le laissa tomber à ses pieds.
    — Tu n'es qu'une vieille folle, Barrira. Et moi, je le suis plus encore de t'écouter.

Désert du Hedjaz
    Zimba, le guide, tendit le bras vers le nord-ouest.
    — Tabouk, dit-il.
    Le soleil bas irritait les yeux. À l'extrémité de la falaise de basalte dissoute dans l'air brûlant de l'horizon, Muhammad devina une tache blanche. À peine plus grosse qu'un épi d'alfalfa, elle ondulait telle une flamme dans l'air surchauffé.
    Al Sa'ib ibn Abid fit claquer sa langue.
    — Tabouk ! Tabouk et le pays de Sham !
    Sous le voile qui protégeait sa bouche de la poussière, on devinait le sourire. Les pieds en appui sur le cou rêche de leurs méharis, les trois hommes se tenaient sur un mamelon qui dominait de quelques coudées le reg de Judham, la porte des riches pays du Nord. Leurs ombres s'étiraient sur les caillasses, se déchiraient sur les touffes racornies des qahr al luhum , les « plaies de chair », comme on les appelait.
    — Deux heures avant la nuit, reprit Zimba, dont l'accent du Nord hachait les phrases. Avancer encore, et demain on marche tôt. Peut-être on arrive devant Tabouk avant la prochaine nuit.
    Derrière eux, au cœur du reg, la caravane martelait la piste dans un grondement grave, assourdi, entrecoupé par le grincement des liens de cuir, d'un cri, d'un appel, du tintinnabulement des boucles d'un bât mal serré. Plus d'une centaine de bêtes. Des chameaux d'Al Dhana, trapus et sombres. Un peu à l'écart venaient les chamelles des femmes, avec, sanglés sur leurs bosses, les palanquins recouverts de dais aux couleurs violentes.
    Ils avaient quitté Mekka dix-sept jours plus tôt. Ils avaient fait vite. Deux fois déjà, Muhammad avait accompli le voyage au pays de Sham. Il n'avait oublié aucune des merveilles qu'il y avait découvertes. L'eau y ruisselait éternellement. Elle emplissait des cuves décorées d'images de pierre : tigres, paons, béliers, colombes, antilopes ou monstres à cornes. Sham : pays de richesse, pays d'opulence où l'on méprisait les hommes du désert.
    Les yeux moqueurs du négociant Al Sa'ib cherchèrent ceux de Muhammad.
    — Si on marche jusqu'à la nuit, le vieil Abu Nurbel va glapir comme une poule faisane. Ses femmes devront cuire ses galettes dans l'obscurité. Les démons en profiteront pour leur donner mauvais goût.
    Muhammad devina ce qu'Al Sa'ib ne disait pas. Il remonta le pan de son chèche sur sa bouche. Annonça qu'il allait prévenir le vieil Abu Nurbel.
    Tapotant le cou de son méhari de sa cravache, il le poussa au pied du mamelon puis, avec de petits grondements de la gorge, le mit au trot pour rejoindre la tête de la caravane.
     
    Al Sa'ib avait vu juste. Sans surprise, Abu Nurbel s'exclama :
    — Si on marche jusqu'à la nuit, les femmes n'auront plus de lumière pour monter les tentes et nous préparer les galettes.
    Muhammad retint son sourire. Le vieux marchand, qui avait beaucoup investi dans la caravane, était un homme bon. Mais il ne pouvait s'empêcher de faire le vieux. D'avoir le dernier mot en tout. En particulier avec lui, Muhammad. De lui rappeler, d'une manière ou d'une autre, qu'il n'était qu'un jeune sans expérience. Vingt-sept ans de vie quand lui, Abu Nurbel al Illih ibn Hamda, en avait plus de cinquante. Ou plus de soixante. Qui pouvait savoir ?
    Ce n'était pas véritablement un manque de respect, plutôt ce genre de plaisir qu'aimaient s'offrir les vieux. Très souvent des hommes sages,

Weitere Kostenlose Bücher