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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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deux sœurs, Saint-Giles, aîné d’orphelins, offrit son crayon à un libraire. Un journal de caricatures fut créé   : il réussit merveilleusement et très vite, grâce au talent satirique de Saint-Giles qui devint l’enfant gâté de la démocratie lyonnaise. Disons même, à l’honneur de l’esprit français, que l’aristocratie et le clergé riaient des dessins de l’artiste et lui pardonnaient assez volontiers ses charges.
    Le rire désarme.
    En outre, les tendances particularistes qui ont toujours distingué Lyon, lui inspiraient une sympathie toute maternelle pour cet enfant de la Croix-Rousse, qui avait conquis Paris sans consentir à quitter Lyon. Un éditeur parisien l’avait appelé en vain près de lui   ; Saint-Giles avait refusé   ; ce que voyant, l’éditeur avait traité avec l’artiste pour l’envoi par la poste d’un dessin par semaine, et ce dessin obtenait toujours à Paris un succès énorme qui flattait beaucoup les Lyonnais.
    Ce qui avait contribué le plus, après le talent, à fonder la réputation de Saint-Giles, c’était sa bravoure. M. M. les officiers du Royal-Pologne s’étant trouvés offensés par une caricature de l’artiste, lui avaient envoyé un cartel. Il l’avait accepté et avait blessé successivement trois des officiers du régiment   ; il avait fallu l’intervention du général, prince de Hesse, pour assoupir cette affaire et empêcher d’autres duels.
    Giles était un grand et beau garçon, au profil aquilin, aux cheveux noirs, aux yeux bruns très doux, très expressifs. Sa bouche large, bien fendue, sensuelle et rieuse, annonçait un tempérament ardent, gai, avec des appétits robustes. Mais ce qui faisait surtout le charme de cette physionomie, c’était le feu sacré de l’intelligence animant ses traits, c’était enfin le Mens divinior , l’âme divine de l’artiste, se révélant et s’affirmant même en ce moment où le regard était voilé par les paupières, où les lèvres étaient décolorées par la perte du sang.
    La jeune femme, en entendant prononcer le nom de Saint-Giles, dit en souriant   :
    – Je me doutais bien qu’un garçon de cette trempe était quelqu’un.
    – Quelqu’un de bien dangereux   ! dit le lieutenant avec une pointe de jalousie, causée par l’intérêt que semblait porter au blessé cette jolie femme.
    – Dangereux   ! fit-elle.
    – Mais… mademoiselle… où madame… le crayon de Saint-Giles ne respecte rien, ni hommes, ni prêtres, ni Dieu.
    – Pas même monsieur votre père, n’est-ce pas   ? dit-elle en souriant. Saint-Giles l’a placé, je crois, dans sa Galerie des Sacristains.
    Et haussant les épaules, elle dit   :
    – Petits esprits, a dit M. de Beaumarchais, ceux qui s’offusquent d’un petit écrit ou d’une petite caricature.
    Les gardes nationaux s’entreregardèrent, se demandant comment une grisette pouvait parler sur ce ton. Ils en conclurent que c’était une grande dame déguisée. Ils n’en doutèrent plus, quand ils l’entendirent, s’adressant au lieutenant, lui dire   :
    – M. Leroyer, vous allez laisser, s’il vous plaît, le commandement de la patrouille à votre sergent, M. Suberville, si je ne me trompe, et vous m’accompagnerez jusqu’à la porte d’une maison où votre père vous remerciera fort de m’avoir protégée.
    – Je suis à vos ordres, madame   ! dit le lieutenant.
    Et, appelant son sergent qui était lui-même un gros bonnet de l’industrie lyonnaise, et qui, à bien prendre, était le vrai chef de la compagnie, il lui dit avec beaucoup de déférence   :
    – Monsieur Suberville (le haut commerce de Lyon était resté poli et dédaignait de se donner du citoyen), vous connaissez l’itinéraire, vous voudrez bien conduire la patrouille.
    – Je vous prie, monsieur, dit assez vivement la jeune femme au sergent, de laisser un caporal et quatre hommes auprès de mon blessé, jusqu’à l’arrivée du chirurgien. Et je compte sur l’humanité de ces messieurs pour transporter chez lui M. Saint-Giles et lui faire donner les plus grands soins, fussent-ils ses ennemis politiques.
    – Madame, dit le sergent, nous sommes tous républicains.
    – Oui… je sais… Girondins… Et M. Saint-Giles, lui, est Jacobin   ! On est donc ennemis. Mais votre situation dans la haute bourgeoisie lyonnaise et votre éducation me rassurent, car elles vous font un devoir de la générosité.
    Elle conclut avec un beau sourire qui

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