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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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bourgeoisie   ; il était vêtu comme les Lyonnais aisés d’alors. C’était un petit être désagréable, agité, trépignant, aigre, miaulant ses ordres d’une voix de fausset et paraissant doué d’un caractère impérieux, exigeant, insupportable.
    Il rageait, pestait, maugréait.
    – Les imbéciles, murmurait-il   ! c’était son mot favori. Ils vont laisser échapper cette canaille de bedeau   !
    Regardant du côté du chef   :
    – Et ce grand niais de Monte-à-Rebours qui manque la femme et qui la laisse crier   ! Oh   ! les imbéciles, les imbéciles   !
    Il n’avait pas tous les torts.
    Déjà quelques volets grinçaient aux façades des maisons   ; on sentait que des têtes se mettaient aux fenêtres   ; on ne descendait pas, on ne descendrait probablement point, car, en ce temps-là, on était prudent comme à toutes les époques troublées pendant lesquelles on ne sait jamais trop à qui l’on aura affaire si on se mêle de quelque chose   : mais enfin, des curieux, cela est toujours gênant.
    Aussi, l’homme cria-t-il à Monte-à-Rebours, le chef, qui revenait   :
    – Plus vite, donc   ! Plus vite, grand crétin   !
    Et il avait vraiment raison de presser son acolyte, car il vit tout aussitôt accourir à lui La Ficelle et ses deux compagnons serrés de près par le hardi jeune homme qui avait pris fait et cause pour le bedeau.
    Soudain, le gourdin de ce brave jeune homme tournoya sur la tête d’un des faux mariniers qu’il talonnait   : le coup fut si rapide que l’homme tomba comme un bœuf frappé par la masse du boucher. Ce que voyant, le petit bonhomme qui dirigeait l’expédition s’attendait à tout d’un aussi intrépide jouteur et il cria aux bateliers qui se tenaient en Saône.
    – Vite, vous autres   ! À nous   ! Prenez vos rames   ! dépêchez-vous.
    Puis à la Ficelle et au seul compagnon de celui-ci qui fût debout   :
    – Face à cet homme, canailles…
    Avec une résolution qui prouvait que la rage lui donnait l’énergie, il courut, le pistolet à la main, au secours de ses acolytes en déroute et ceux-ci levèrent la tête en entendant la voix de ce petit homme grincheux qui semblait avoir sur eux plus d’ascendant que leur chef lui-même. Ce qui contribua surtout à donner du cœur à la Ficelle, c’est que le petit homme tira brusquement un coup de pistolet sur son adversaire.
    Il est vrai qu’il le manqua.
    Le jeune homme parut un instant chercher à se dérober. Ce n’était point qu’il eût pris peur, mais il venait d’apercevoir le chef qui portait la jeune femme. Avec le sang-froid et le coup d’œil d’une nature d’élite que le danger ne trouble pas, le jeune homme, évitant ses adversaires et les tournant, se jeta sur le chef Monte-à-Rebours, avant que celui-ci eût déposé la jeune femme à terre, et, saisissant son gourdin, il le frappa de deux coups qui firent sonner toute la carcasse de ce grand chat tigré. Monte-à-Rebours trébucha et s’étala de tout son long. Mais, à ce moment, les trois mariniers avec leurs longs crocs, renforçant la Ficelle et son compagnon, s’élancèrent sans hésiter.
    Le petit homme lâcha son second coup de pistolet sur son terrible adversaire. La balle toucha, car on vit chanceler le défenseur de la jeune femme. Se sentant atteint par la balle décochée sur lui, le jeune homme se laissa emporter par la fureur dont sont saisies les natures sanguines lorsqu’elles sont frappées   : peut-être aussi craignait-il que la perte de sang ne l’affaiblît trop rapidement.
    Familier avec toutes les escrimes, maniant redoutablement le gourdin, il prit l’offensive avec une fougue inouïe. D’un moulinet terrible, il écarta bâtons et crocs dirigés contre lui, fit reculer ses adversaires, en coucha bas un, cassa le bras d’un autre, et il eût rejeté tout ce monde dans le bateau, si l’homme aux pistolets n’avait traîtreusement tiré deux coups sur le malheureux jeune homme, qui, touché légèrement à la jambe, mais frappé à la poitrine et suffoqué, tomba en battant l’air de ses bras, menaçant encore les mariniers.
    La Ficelle poussa un petit cri de satisfaction et l’homme aux pistolets cria   :
    – Vite donc   ! à la femme, enlevez-la.
    Comme le terrain de la lutte s’était déplacé, comme on était à cent pas de l’endroit où gisait la jeune femme garrottée, la Ficelle et les bateliers coururent de ce côté. Mais un coup de vent apporta aux oreilles

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