Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chambre ardente

La chambre ardente

Titel: La chambre ardente Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
Majesté, les ministres Colbert et Louvois, et le chancelier de France. Il réussit alors à empêcher que la Chambre ardente fût dissoute, mais les « faits particuliers » durent être consignés, comme je l'ai dit, sur des « feuilles séparées », afin de préserver et la gloire du Roi, et l'image de puissance et d'ordre du royaume.
    Ce qui impliquait que les personnes proches du Roi mises en cause, même si elles avaient été citées devant la Chambre ardente, ne fussent jamais jugées, et que leurs noms fussent tenus secrets.

    Illustrissimes Seigneuries, vous les trouverez dans la Relation particulière que j'ai rédigée à votre intention.

IV.
    « Des modes de crimes comme d'habits »
    Ce sont des noms de femmes que cite d'abord Nicolas Gabriel de La Reynie.
    J'ai vu la première, Marie-Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers, assise dans l'un des tombereaux chargés habituellement de transporter, hors les murs de la ville, les ordures, viandes pourries et carcasses puantes.
    On avait jeté de la paille entre les ridelles, et la marquise, pieds nus, vêtue seulement d'une tunique de toile grossière largement échancrée au cou, était assise entre son confesseur l'abbé Pirot et le bourreau, maître Guillaume.
    Elle venait d'être soumise à la question.
    On lui avait fait ingurgiter huit cruches d'eau de deux pintes et demie chacune 1 , mais, malgré les soubresauts de son corps qui se remplissait d'eau, la marquise de Brinvilliers n'avait rien ajouté aux aveux qu'elle avait faits devant ses juges.
    Les magistrats du Parlement de Paris l'avaient condamnée à subir la question extraordinaire et à être décapitée en place de Grève sur l'échafaud où elle serait menée dans un tombereau à immondices, nu-pieds, la corde au cou, portant une torche ardente du poids de deux livres. Et sur le parvis de Notre-Dame elle serait contrainte de demander pardon à Dieu, au Roi, à la Justice.
    On avait été clément avec elle en ne la condamnant pas à avoir, avant sa décapitation, le poing tranché, le supplice des parricides, et cependant elle avait empoisonné son père et ses deux frères, essayé de faire de même avec sa soeur, et tout cela pour s'emparer de leurs biens, satisfaire son amant, un jeune noble gascon, Gaudin de Sainte-Croix, qui, dans sa demeure, faisait oeuvre d'alchimiste, distillait dans ses cornues poisons, poudres et philtres, mêlant l'arsenic, le vitriol et les poudres de venin de crapauds et de vipères.
    C'est Sainte-Croix qui fournit à la jeune marquise les poisons nécessaires à ses crimes.
    Soupçonnée puis dénoncée, démasquée dès 1673, elle fut condamnée, mais elle avait déjà gagné l'Angleterre puis la Belgique, et le bourreau devant ses juges dut se contenter de lacérer son effigie.
    Alors qu'elle était réfugiée dans un monastère des environs de Liège, Louvois obtint des Espagnols le droit pour l'une de ses escouades d'aller se saisir de l'empoisonneuse dans sa retraite et de la reconduire à Paris.
    Durant le trajet, elle tenta de se suicider, avalant épingles et morceaux de verre, cherchant à s'empaler. En vain.
    Et je l'ai vue, à la fin de l'après-midi du 17 juillet 1676 – au lendemain de mon arrivée à Paris –, digne sur la paille, dans le tombereau.
    Jamais je n'avais imaginé possible une telle affluence dans cette ville immense que je n'avais pas encore parcourue.
    Je côtoyais des gens de toutes conditions qui regardaient passer cette jeune femme gracile, belle dans sa tunique blanche, et qui allait monter, appuyée à son confesseur, les marches de l'échafaud.
    On murmurait, car on trouvait que le bourreau prenait son temps pour la préparer, taillant et retaillant ses cheveux comme s'il avait hésité à la frapper ou bien comme s'il avait espéré la venue d'un messager apportant la grâce du Roi. Mais, à la fin, d'un seul coup il avait tranché la tête et jeté le corps coupé en deux dans le bûcher où il s'était vite consumé.

    La lecture des copies des documents de Nicolas Gabriel de La Reynie m'a appris qu'avant de quitter la Conciergerie, donc dans les heures qui précédèrent son supplice et sa traversée infamante de Paris jusqu'à la place de Grève, la marquise de Brinvilliers avait demandé à parler seule à seul avec M. de Harlay, procureur général de Paris. Leur conversation avait duré plus d'une heure.
    Le lieutenant général de police n'en dévoile que fort peu. Il révèle que le Roi avait

Weitere Kostenlose Bücher