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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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probabilités.
    Ragastens, d’un coup d’œil, avait étudié et jugé Lanthenay, c’est-à-dire l’homme que Tricot lui avait dépeint comme capable de tous les crimes.
    Et l’impression de cet examen était que Tricot avait menti effrontément. Dans quel but ?
    Les derniers mots de Lanthenay le firent tressaillir.
    – Vous dites « selon toutes probabilités », fit-il ; excusez ma curiosité et ne l’attribuez qu’à la sympathie que vous m’inspirez tous les deux…
    – Je parle ainsi, répondit Lanthenay, parce que ni Manfred, ni moi ne connaissons nos origines… Nous avons été élevés ensemble par une bohémienne de la Cour des Miracles, et voilà tout ce que nous savons de notre enfance.
    Ragastens devint très pâle et son regard ardent s’attacha sur Manfred avec une curiosité passionnée.
    – Et cette bohémienne ? demandait-il.
    – Elle est parmi nous…
    – Pourrai-je la voir… lui parler ?
    – Sans doute, fit Manfred étonné. Mais, monsieur, ne me disiez-vous pas que nous serions attaqués à minuit ?
    – Oui, oui, dit Ragastens.
    Il essuya la sueur qui inondait son front, et fit effort pour s’arracher à ses pensées.
    – Vous avez raison, reprit-il d’un ton ferme. Occupons-nous de la défense.
    Manfred appela d’un geste quelques-uns des chefs les plus estimés pour leur courage et leur sang-froid.
    Entouré de truands, de gens de sac et de corde, Ragastens éprouvait une gêne inexprimable à là pensée de tirer l’épée en l’honneur de ces brigands.
    Mais cette gêne disparaissait dès que son regard s’arrêtait sur Manfred. Si ce jeune homme était son fils !
    Et il se rappelait avec terreur les paroles de François I er . L’expédition avait surtout pour but de s’emparer de Lanthenay et de Manfred.
    Au point du jour, Manfred devait être pendu à la Croix du Trahoir.
    Et si Manfred était bien son fils !
    Un flot de sang vint battre les tempes de Ragastens. A ce moment, il se fût battu seul contre une armée pour sauver le jeune homme. Il n’y eut plus autour de lui ni truands ni ribaudes. Il n’y eut que son fils – peut-être ! – et il résolut de brûler Paris plutôt que de laisser Manfred tomber aux mains du roi et du grand prévôt.
    Son regard perçant embrassa d’un coup la Cour des Miracles.
    Trois ruelles s’y déversaient.
    Elles étaient barricadées toutes les trois.
    – Avez-vous des armes ? demanda-t-il.
    – Près de trois cents arquebuses et autant de pistolets.
    – Des munitions ?
    – Une quantité.
    – Des tireurs ?
    – Tous ces hommes sont habitués à tirer l’arquebuse.
    – Que peuvent faire les femmes ?
    – Tout ce qu’on voudra.
    – Bien, dit alors Ragastens. Cent hommes à cette rue (il désignait la ruelle Saint-Sauveur). Cent hommes à cet endroit (il montrait la ruelle de Montorgueil). Cent hommes devant cette rue (la ruelle aux Piètres)… En arrière de chaque groupe de tireurs, faites placer, de façon qu’elles soient à l’abri, une vingtaine de femmes avec des munitions. Elles rechargeront les arquebuses…
    A mesure que Ragastens donnait ces indications, elles étaient aussitôt exécutées.
    A ce moment même, on entendit sonner minuit à Saint-Eustache.
    – Maintenant, continua Ragastens, derrière chaque groupe d’arquebusiers, faites placer cent hommes armés de pistolets. Si les arquebusiers sont obligés de céder, les pistolets entreront dans la mêlée.
    Ces nouvelles dispositions furent prises en deux minutes.
    – Enfin, acheva Ragastens, ici, au centre de la place, tout, ce que vous avez d’hommes disponibles… Ce sera ici une réserve de forces qui pourra se porter sur le point le plus menacé.
    Le chevalier avait pris le seul dispositif qui présentât quelque chance de succès. Les chefs rassemblés autour de lui s’en rendirent compte, et adoptèrent sans contestation le plan de l’étranger.
    – Maintenant, dit enfin Ragastens, écoutez-moi bien : le pauvre diable qui vient d’être si affreusement traité devait tirer trois coups d’arquebuse pour prévenir le grand prévôt que la Cour des Miracles était tranquille. Si ces trois coups ne sont pas tirés, il est très possible que l’attaque soit remise. Décidez ce que vous avez à faire.
    – Je comprends, monsieur, votre légitime embarras, dit Manfred. Je parlerai donc en votre lieu et place. Frères, si nous ne tirons pas les trois coups de feu, nous serons surpris une nuit prochaine.

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