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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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blessés, les piétons de Picardie ayant repassé la rivière presque à sec pour reprendre leur concert de vociférations sur la rive opposée.
    D’autres provocations suivies d’agressions n’allaient pas tarder à se produire, en dépit de la consigne que le roi venait de répéter. L’espace de prairie entre les deux armées, de part et d’autre de la rivière, s’était transformé en champs clos, moins pour une bataille à proprement parler que pour une série d’actions sauvages. Ici des joutes, là des duels à l’épée, à la hache ou à la masse d’armes, là des assauts de cavaliers s’affrontant à la lance, ailleurs des rixes au poignard entre coutilliers.
     
    La chaleur commençait à décroître sans que, ni d’un côté ni de l’autre de la Nonette, soit venu l’ordre d’attaquer en force.
    – En fin de compte, Jeanne, dit La Hire, tu n’as rien à te reprocher : il n’y aura pas eu de bataille digne de ce nom mais des escarmouches.
    Au milieu de l’après-midi on avait vu surgir de toutes parts des paysans, des religieux, quelques bourgeois de Senlis qui se tenaient à l’écart comme au spectacle d’un mystère, par groupes et le cul dans l’herbe. Des filles dansèrent avec des soldats au son de la cornemuse et de la cabrette, tandis que l’on sortait des caves et des charniers des bouteilles et des victuailles. Retour du pacage, un troupeau de boeufs et de chèvres traversa le champ clos, ce dont les hommes d’armes s’amusèrent.
    Qu’est-ce qui poussa La Trémoille, alors que le roi Charles s’apprêtait à mettre de l’ordre dans cette indécente chienlit, à se faire hisser sur son lourd cheval et, l’épée au clair, un hurlement dans la gorge, à galoper vers la Nonette, la franchir dans une gerbe d’eau et piquer droit sur l’ennemi ? On supposa qu’il avait reçu une injure ou un défi qui lui était resté en travers du gosier. Cet accès d’héroïsme faillit se terminer par sa capture ou par sa mort. Par bonheur le cheval, trop lourdement chargé par le gros satrape et inapte au galop, trébucha, faisant vider les arçons au cavalier, à moins d’une portée de flèche des défenses adverses. Charles envoya sur-le-champ quelques cavaliers pour le soustraire aux Godons qui s’avançaient vers lui.
    – Jeanne, dit La Hire, j’ai quelque idée de ce qui a provoqué la folie du Gros Georges. Ce matin, au sortir du Conseil royal, je lui ai reproché d’être plus près des gens de cabinet que de ceux des champs de bataille. Il a sans doute tenu à montrer aux témoins de l’algarade que je me trompais.
    – Lorsque je l’ai vu prendre le large et franchir la Nonette, dit Jeanne, j’ai eu un instant la conviction qu’il allait trahir son roi et se rendre à l’ennemi, par amitié pour Philippe de Bourgogne.
    – Nous aurions été au moins deux, ajouta La Hire, à ne pas pleurer son départ...
    À en juger par l’ardeur combative des soldats, la journée du lendemain promettait d’être chaude. Pour les Français l’affaire était mal engagée : si les Anglais refusaient de quitter leurs retranchements on ne chercherait pas à les en déloger par une charge de cavalerie. Azincourt, l’habileté diabolique des archers yeomen, les palissades infranchissables étaient dans toutes les mémoires.
    – Il va falloir, dit La Hire, prendre une bonne nuit de repos, éviter de vider des bouteilles et de danser la gigue. Demain, la bataille sera rude.
    – Il n’y aura pas de bataille, rétorqua Jeanne.
    – Comment peux-tu en être certaine ?
    – Par révélation. Tout à l’heure mes voix m’ont parlé. Elles ne se trompent jamais.
    Au petit matin, lorsque Jeanne sortit de sa tente, revêtue de son harnois, elle ne marqua aucune surprise en constatant que, de l’autre côté de la Nonette, les Anglais finissaient de plier bagage. Le rempart de pieux démonté, les tentes repliées, les chariots s’engageaient sur la route de Paris au lieu de prendre la direction de Senlis. Bedford avait dû se dire que les démonstrations de force de la veille suffisaient à entretenir dans son armée l’énergie souhaitée et que les Français, avec le soutien de la sorcière, risquaient de mettre son armée en difficulté.
    La Hire dit à Jeanne :
    – J’avoue que je n’y croyais pas mais aujourd’hui je dois en convenir : tes voix avaient vu juste.
    – Comme à Orléans, remarqua Jeanne.
    Elle se souvenait de la dernière journée du siège, un jour de

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