Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
hommes un à un.
    — Un à un ? Tâche immense ! Qu’y a-t-il là
comme troupes ?
    — Quatorze compagnies de gardes et six compagnies du
régiment des Suisses. Autrement dit, la crème et l’élite de l’armée royale.
Tous gens honnêtes, consciencieux, bons chrétiens et disciplinés, tant Louis
veut être assuré que les malheureux survivants de La Rochelle ne seront pas
opprimés par les nôtres. Il a déjà renvoyé trois hommes au camp.
    — Qu’avaient-ils fait ?
    — Rien, sinon qu’ils s’étaient faufilés frauduleusement
afin d’avoir la gloire de pénétrer intra muros. Le premier, il le
reconnut comme un soldat appartenant à la compagnie de Monsieur de Sourdis
(mémoire étonnante…), et incontinent le renvoya à son capitaine afin qu’il lui
donnât le fouet. Les deux autres faufileurs étaient des capucins, et avec eux
Louis ne fut guère plus tendre : « Eh quoi ! Messieurs, dit-il,
voudriez-vous entrer à La Rochelle avant Monsieur le Cardinal ? » et
il les renvoya sèchement à leur moinerie.
    — Preuve nouvelle, dis-je, s’il en était besoin, que
l’oint du Seigneur, tout pieux qu’il soit, n’aime pas que son clergé le gagne à
la main.
    — Et il a bien raison, dit Schomberg. Je suis moi-même
bon catholique, et respecte prêtres et moines, pour peu qu’ils s’occupent de
leurs ouailles ou de leurs pauvres et ne viennent pas fourrer leur nez dans les
affaires du royaume. Je ne raffole pas non plus des dévots (par ce pluriel il
désignait, entre autres, le garde des sceaux Marillac), parce que leur dévotion
a un arrière-goût de domination qui me ragoûte peu. Ces gens-là ont les dents
trop longues pour ne manger que leurs fromages. Ils voudraient tout régenter…
    Propos qui, s’ils n’avaient pas été à moi adressés, eussent
été fort imprudents, les dévots étant, quoique chrétiens, fort vindicatifs.
Cependant je ne puis le faire remarquer à Schomberg car, à ce moment, je vis le
roi regagner à grands pas son État-Major, et quand il l’eut atteint éclata une
épouvantable noise faite de roulements de tambours. Je mets un s à
tambours, car pour nous tympaniser de la sorte, il fallait qu’ils fussent une
douzaine au moins. Quand enfin ce tapage eut cessé, un géantin exempt, aussi
large que grand, se détacha du groupe et, s’étant approché des soldats royaux
figés au garde-à-vous, cria d’une voix forte :
    — Sur l’ordre du roi et de Monsieur le colonel général
de l’infanterie française, dès lors que les soldats entreront dans les rues de
La Rochelle, primo  : il leur est formellement interdit de quitter
les rangs, sous peine d’être séance tenante pendus (roulement de tambours). Secundo  :
il leur est formellement interdit de pénétrer dans les maisons, sous peine
d’être séance tenante pendus (roulement de tambours). Tertio : il
leur est formellement défendu de se livrer à des roberies dans lesdites
maisons, sous peine d’être séance tenante pendus (roulement de tambours). Quarto  :
il leur est formellement défendu de forcer femmes ou filles, sous peine d’être
séance tenante pendus (roulement de tambours).
    — Le mauvais de l’affaire, me glissa Schomberg à
l’oreille, c’est que le pauvre diable sera trois fois pendu : la première
fois, parce qu’il quitte les rangs, la seconde fois pour être rentré dans une
maison, la troisième fois pour forcer fille.
    Ayant ri, comme je le devais, à cette gausserie toute
militaire, je demandai à Schomberg qui allait avoir l’honneur de pénétrer le
premier dans la ville à la tête de ses beaux soldats.
    — C’est moi, votre serviteur, dit Schomberg avec
quelque vergogne.
    — Diantre ! N’en êtes-vous pas heureux ?
    — Je suis au comble de la joie, mais…
    — Mais ?
    — Mais le plus ancien maréchal céans, ce n’est pas moi,
c’est Bassompierre. C’est à lui qu’aurait dû échoir cet honneur.
    — Lequel Bassompierre n’a trotté dans ce siège que
d’une fesse. Ramentez-vous ce qu’il a dit : « Vous verrez que nous
serons si fols que de prendre La Rochelle » – phrase traîtreuse,
puisque c’était la volonté du roi que de s’en saisir. Croyez-vous que le roi
l’ait oubliée ? Louis n’oublie jamais rien : ni le bien ni le mal.
    — Raison pourquoi vous voilà duc, dit Schomberg avec un
sourire amical. Entrerez-vous avec moi en La Rochelle ?
    — Nenni et c’est pitié. Mais Sa Majesté ne m’en a

Weitere Kostenlose Bücher