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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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torpilles, larguées au-dessus des usines, descendaient pêle-mêle en sifflant sinistrement pour finir en éclatements de cymbales et de grosse caisse qui faisaient trembler la terre et l’air. Les balles traçantes écrivaient des paraphes fulgurants d’un rouge et d’un blanc lumineux dans le ciel noir, comme des signatures qui s’affrontent. En bas, des quartiers entiers s’embrasaient soudain dans des illuminations infernales. Des maisons s’écroulaient avec fracas. D’autres, dont la façade tenait seule encore, ressemblaient, avec leurs fenêtres ouvertes sur le néant, à des visages aveugles.
    Reginald, virtuose du pilotage, aux commandes de son Lancaster, avait un rictus qui aurait pu paraître facétieux malgré les difficultés de la situation. Dans son masque à microphone, il donnait des ordres à Peter, son navigateur, et à Mac Intosh son canonnier, ainsi qu’à tous les autres membres de l’équipage. Le vent violent et la décompression faisaient valser le matériel en tous sens.
    Pris à partie par la chasse ennemie, l’appareil était comme un navire dans l’orage. Il pleuvait des balles en rafales. C’était une tempête de shrapnels et d’éclats d’obus. Ça claquait de tous côtés.
    La formation si ordonnée à l’arrivée avait été dispersée par le combat. Maintenant, c’était chacun pour soi. Il importait de sauver à tout prix son bombardier, sa peau, et celle de ses hommes. La meute des chasseurs allemands poursuivait rageusement les cibles qui s’enfuyaient en tanguant.
    Des stukas piquaient. Parvenus à quelques mètres des Anglais, ils leur crachaient du feu.
    Le bombardier 264 de Reginald Lloyd en avait trois ou quatre à ses trousses. Á chacune des attaques, il pensait que sa dernière heure était venue. Mais il évitait les coups grâce sans doute à ses réflexes. Mais peut-être aussi que le feu des autres manquait de précision. Il s’était jusque-là miraculeusement tiré d’affaire. Soudain, il vit un Messerschmitt 109 qui le prenait dans sa ligne de tir. Ce fut l’affaire d’un dixième de seconde. Reginald plongea, se laissant littéralement tomber en feuille morte. L’Allemand emporté par son élan continua tout droit, surpris par la manœuvre. Reginald vit les maisons d’Essen proches d’une centaine de mètres. Il allait s’écraser sur ces ruines fumantes ! C’était trop bête ! Mourir ainsi dans un combat où on a été vainqueur ! Il tira à mort sur son manche à balai, n’osant espérer que le lourd bombardier pourrait se redresser…
    L’avion se redressa ! Si bien même, qu’en remontant il alla se dissimuler dans un nuage propice et opportunément anglophile…
    Cet appareil était formidable !
    C’était d’un de ces bombardiers que Churchill avait dit :
    « Il a beaucoup de défauts. Il a été très difficile à mettre au point, et quand on s’en est aperçu, on l’a fort justement appelé le Churchill. »
    Reginald, revenant à la vie, se souvint de ce trait d’humour et sourit.
    Tout l’équipage avait vu le danger et apprécié la virtuosité du sauvetage. Les hommes poussèrent en l’honneur de Reginald un hourra, si sonore à travers leur micro, que le squadron-leader crut en avoir les tympans défoncés.
    Il fit la grosse voix, en souriant dans ses handle bar moustaches, puis se mit à siffloter son air favori, Tea for two. Aussitôt, les boys reprirent le refrain, chacun de sa place dans la carlingue du bomber.
    —  Peter ! appela Reggy.
    —  Yes, Sir ! répondit le navigateur.
    — Faites le point, calculez la route droite. Nous rentrons à la maison !
    Mais c’est que Peter justement avait quelques ennuis avec sa carte géographique. Au-dessus de la Ruhr, un éclat d’obus incandescent avait brisé le hublot et, en tombant sur la carte, avait mis le feu à la Mer du Nord, au nord de la France, à la Belgique et au sud de l’Angleterre…
    Qu’importe ! Peter trouverait bien le chemin de Southend avec ses appareils de navigation… et le meilleur d’entre eux : le pifomètre.
    On était maintenant dans une couche épaisse de nuages en coton hydrophile.
    — Nord, Nord-Ouest 25°! annonça Peter se fiant à son instinct.
    — Nord, Nord-Ouest 25°! collationna Reginald aux commandes.
    L’avion nageait dans un air enfin paisible. La nuit s’estompait déjà, un jour gris et sale se levait.
    Tout l’équipage était impatient de retrouver de bons lits dans les quartiers de

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