La Guerre des Gaules
relayaient en évitant de laisser prendre de flanc les combattants : alors, tandis que Corréos luttait, les autres sortent des bois. De vifs combats s'engagent dans deux directions. L'action se prolongeant sans décision, le gros des fantassins, en ordre de bataille, sort peu à peu des bois : il força nos cavaliers à la retraite. Mais ceux-ci sont promptement secourus par l'infanterie légère qui, je l'ai dit, avait été envoyée en avant des légions, et, mêlée à nos escadrons, elle combat de pied ferme. Pendant un certain temps, on lutte à armes égales ; puis, comme le voulait la loi naturelle des batailles, ceux qui avaient été les premiers attaqués ont le dessus par cela même que l'embuscade ne leur avait causé aucun effet de surprise. Sur ces entrefaites, les légions approchent, et simultanément les nôtres et l'ennemi apprennent par de nombreux agents de liaison que le général en chef est là avec des forces toutes prêtes. A cette nouvelle, nos cavaliers, que rassure l'appui des cohortes, déploient une vigueur extrême, ne voulant pas avoir à partager avec les légions, s'ils ne mènent pas l'action assez vivement, l'honneur de la victoire ; les ennemis, eux, perdent courage et cherchent de tous côtés par quels chemins fuir. Vainement : le terrain dont ils avaient voulu faire un piège pour les Romains devenait un piège pour eux. Battus, bousculés, ayant perdu la plus grande partie des leurs, ils réussissent néanmoins à s'enfuir en désordre, les uns gagnant les bois, les autres la rivière ; mais, tandis qu'ils fuient, les nôtres, au cours d'une vigoureuse poursuite, les achèvent. Cependant Corréos, que nul malheur n'abat, ne se résout point à abandonner la lutte et à gagner les bois, et il ne cède pas davantage aux sommations des nôtres qui l'invitent à se rendre ; mais, combattant avec un grand courage et nous blessant beaucoup de monde, il finit par obliger les vainqueurs, emportés par la colère, à l'accabler de leurs traits.
20. Ainsi venait de se terminer l'affaire quand César arriva sur le champ de bataille ; il pensa qu'après un tel désastre l'ennemi, lorsque la nouvelle lui en parviendrait, ne resterait plus dans son camp, dont la distance au lieu du carnage n'était, disait-on, que d'environ huit milles : aussi, bien que la rivière lui opposât un obstacle sérieux, il la fait passer par son armée et marche en avant. Les Bellovaques et les autres peuples voient soudain arriver, en petit nombre et blessés, les quelques fuyards que les bois avaient préservés du massacre : devant un malheur aussi complet, apprenant la défaite, la mort de Corréos, la perte de leur cavalerie et de leurs meilleurs fantassins, ne doutant pas que les Romains n'approchent, ils convoquent sur-le-champ l'assemblée au son des trompettes et proclament qu'il faut envoyer à César des députés et des otages.
21. Tous approuvent la mesure ; mais Commios l'Atrébate s'enfuit auprès des Germains à qui il avait emprunté des auxiliaires pour cette guerre. Les autres envoient immédiatement des députés à César ; ils lui demandent de se contenter d'un châtiment que sans aucun doute, étant donné sa clémence et sa bonté, s'il était en son pouvoir de l'infliger sans combat à des ennemis dont les forces seraient intactes, il ne leur ferait jamais subir. « Les forces de cavalerie des Bellovaques ont été anéanties ; plusieurs milliers de fantassins d'élite ont péri, à peine si ont pu s'échapper ceux qui ont annoncé le désastre. Toutefois ce combat a procuré aux Bellovaques un grand bien, pour autant que pareil malheur en peut comporter : Corréos, auteur responsable de la guerre, agitateur du peuple, a été tué. Jamais, en effet, tant, qu'il a vécu, le pouvoir du sénat ne fut aussi fort que celui de la plèbe ignorante. »
22. A ces prières des députés, César répond en leur rappelant que l'année précédente les Bellovaques sont entrés en guerre en même temps que les autres peuples de la Gaule, et que seuls entre tous ils ont persévéré avec opiniâtreté, sans que la reddition des autres les ramenât à la raison. Il sait fort bien que la responsabilité des fautes se met très volontiers au compte des morts. Mais, en vérité, personne n'est assez puissant pour pouvoir faire naître la guerre et la conduire contre le gré des chefs, malgré l'opposition du sénat et la résistance de tous les gens de bien, avec le seul concours
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