La Guerre des Gaules
temps, bien que l'été fût presque à son terme, César estima cependant, comme il n'y avait plus dans la Gaule toute entière pacifiée que les Morins et les Ménapes qui fussent en armes et ne lui eussent jamais envoyé demander la paix, que c'était là une guerre qui pouvait être achevée promptement, et il conduisit son armée dans ces régions. Il eut affaire à une tactique toute différente de celle des autres Gaulois. Voyant, en effet, que les plus grands peuples qui avaient livré bataille à César avaient été complètement battus, et possédant une région que couvraient sans interruption forêts et marécages, ils s'y transportèrent avec tout leurs biens. César était parvenu à la lisière de ces forêts, il avait commencé de construire un camp et les ennemis ne s'étaient pas encore montrés, quand soudain, au moment où nos soldats étaient au travail et dispersés, ils bondirent de toutes parts hors de la forêt et chargèrent les nôtres. Ceux-ci prirent rapidement les armes et les refoulèrent dans leurs bois ; après en avoir tué un très grand nombre, ils les poursuivirent trop loin sur un terrain trop difficile, et perdirent quelques hommes.
29. Les jours suivants, César décida de les employer sans relâche à abattre la forêt, et, pour que nos soldats ne pussent être surpris, sans armes, par une attaque de flanc, il disposait face à l'ennemi tous ces arbres coupés et les amoncelait sur chaque flanc en manière de rempart. On avait fait en quelques jours, avec une rapidité incroyable, une vaste clairière, et déjà nous nous étions emparés du bétail et des derniers bagages de l'ennemi, qui s'enfonçait au cœur des forêts, lorsque le temps se gâta si fort qu'il fallut interrompre le travail et que, la pluie ne cessant pas, il devint impossible de garder plus longtemps les hommes sous la tente. En conséquence, après avoir ravagé toute la campagne, brûlé les bourgs et les fermes, César ramena son armée et lui fit prendre ses quartiers d'hiver chez les Aulerques et les Lexovii, ainsi que chez les autres peuples qui venaient de nous faire la guerre.
LIVRE QUATRIÈME
Figure 13 Campaign map for 55 B.C.
55 av. J.-C.
1. L'hiver qui suivit – c'était l'année du consulat de Cnéus Pompée et de Marcus Crassus –, les Usipètes, peuple de Germanie, et aussi les Tencthères, passèrent le Rhin en masse, non loin de la mer où il se jette. La raison de ce passage fut que depuis plusieurs années les Suèves leur faisaient une guerre continuelle et très dure, et qu'ils ne pouvaient plus cultiver leurs champs.
Les Suèves sont le peuple de beaucoup le plus grand et le plus belliqueux de toute la Germanie. On dit qu'ils forment cent clans, lesquels fournissent chacun mille hommes par an, qu'on emmène faire des guerres extérieures. Les autres, ceux qui sont restés au pays, pourvoient à leur nourriture et à celle de l'armée ; l'année suivante, ceux-ci prennent à leur tour les armes, tandis que ceux-là restent au pays. De la sorte, la culture des champs, l'instruction et l'entraînement militaires sont également assurés sans interruption. D'ailleurs, la propriété privée n'existe pas chez eux, et on ne peut séjourner plus d'un an sur le même sol pour le cultiver. Le blé compte peu dans leur alimentation, ils vivent principalement du lait et de la chair des troupeaux, et ils sont grands chasseurs ; ce genre de vie – leur alimentation, l'exercice quotidien, la vie libre, car, dès l'enfance, n'étant pliés à aucun devoir, à aucune discipline, ils ne font rien que ce qui leur plaît –, tout cela les fortifie et fait d'eux des hommes d'une taille extraordinaire. Ajoutez qu'ils se sont entraînés, bien qu'habitant des régions très froides, à n'avoir pour tout vêtement que des peaux, dont l'exiguïté laisse à découvert une grande partie de leur corps, et à se baigner dans les fleuves.
2. Ils donnent accès chez eux aux marchands, plus pour avoir à qui vendre leur butin de guerre que par besoin d'importations. Les Germains n'importent même pas de chevaux, qui sont la grande passion des Gaulois et qu'ils acquièrent à n'importe quel prix ; ils se contentent des chevaux indigènes, qui sont petits et laids, mais qu'ils arrivent à rendre extrêmement résistants grâce à un entraînement quotidien. Dans les combats de cavalerie, on les voit souvent sauter à bas de leur monture et combattre à pied ; les chevaux ont été dressés à rester
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