La Guerre des Gaules
avaient pas plus de huit cents – ceux qui étaient allés chercher du blé au-delà de la Meuse n'étant pas encore revenus –, chargèrent les nôtres, qui ne se méfiaient de rien, parce que les députés ennemis venaient de quitter César et avaient demandé une trêve pour cette journée même ; ils eurent vite fait de mettre le désordre dans nos rangs ; puis, comme nos cavaliers se reformaient, ils mirent pied à terre, selon leur coutume, et, frappant les chevaux par-dessous, jetant à bas un très grand nombre de nos hommes, ils mirent les autres en fuite : la panique fut telle, et la poursuite si vive, qu'ils ne s'arrêtèrent qu'une fois en vue de nos colonnes. Dans ce combat, soixante-quatorze de nos cavaliers trouvèrent la mort, et parmi eux un homme très valeureux, l'Aquitain Pison, personnage de haute naissance dont l'aïeul avait été roi dans sa cité et avait reçu de notre sénat le titre d'ami. Comme il portait secours à son frère, que les ennemis enveloppaient, il réussit à l'arracher au danger, mais il eut lui-même son cheval blessé et fut jeté à terre ; aussi longtemps qu'il put, il tint tête avec un grand courage ; mais, entouré de toutes parts, couvert de blessures, il tomba, et son frère, qui déjà était hors de la mêlée, voyant de loin le drame, se jeta au galop sur l'ennemi et fut tué.
13. Après ce combat, César estimait qu'il ne devait plus donner audience aux députés ni accueillir les propositions de gens qui avaient commencé les hostilités par traîtrise, à la faveur d'une demande de paix ; quant à attendre, en laissant les forces des ennemis s'accroître par le retour de leur cavalerie, il jugeait que c'eût été folie pure ; connaissant d'ailleurs la pusillanimité des Gaulois, il comprenait tout ce que déjà par ce seul combat l'ennemi avait gagné de prestige à leurs yeux : il ne fallait pas leur laisser le temps de se décider. Sa pensée était bien arrêtée sur tout cela, et il avait communiqué à ses légats et à son questeur sa résolution de ne pas différer d'un jour la bataille, quand une circonstance très favorable se présenta le lendemain au matin, agissant toujours avec la même traîtrise et la même hypocrisie, les Germains vinrent en grand nombre, avec tous les chefs et tous les anciens trouver César dans son camp ; ils voulaient – c'était le prétexte – s'excuser de ce qu'ils avaient la veille engagé le combat contrairement aux conventions et à leurs propres demandes ; mais en même temps ils se proposaient d'obtenir, s'ils le pouvaient, en nous trompant, quelque trêves. César, heureux qu'ils vinssent ainsi s'offrir, ordonna de les garder ; puis il fit sortir du camp toutes ses troupes ; la cavalerie, démoralisée, pensait-il, par le dernier combat, fut placée à l'arrière-garde.
14. Ayant disposé son armée en ordre de bataille sur trois rangs, et ayant parcouru rapidement huit milles, il arriva au camp des ennemis avant qu'ils pussent s'apercevoir de ce qui se passait. Tout concourait à frapper les Germains d'une peur subite la promptitude de notre approche, l'absence de leurs chefs, et de n'avoir le temps ni de tenir conseil, ni de prendre leurs armes ; ils s'affolent, ne sachant s'il vaut mieux aller au-devant de l'ennemi, ou défendre le camp, ou chercher son salut dans la fuite. Comme la rumeur et le rassemblement confus des hommes manifestaient leur frayeur, nos soldats, stimulés par la perfidie de la veille, firent irruption dans le camp. Là, ceux qui purent s'armer promptement résistèrent un moment aux nôtres, engageant le combat parmi les chariots et les bagages ; mais il restait une foule d'enfants et de femmes (car ils étaient partis de chez eux et avaient passé le Rhin avec tous les leurs) qui se mit à fuir de tous côtés. César envoya sa cavalerie à leur poursuite.
15. Les Germains, entendant une clameur derrière eux, et voyant qu'on massacrait les leurs, jetèrent leurs armes, abandonnèrent leurs enseignes et se précipitèrent hors du camp ; arrivés au confluent de la Meuse et du Rhin, désespérant de pouvoir continuer leur fuite et voyant qu'un grand nombre d'entre eux avaient été tués, ceux qui restaient se jetèrent dans le fleuve et là, vaincus par la peur, par la fatigue, par la force du courant, ils périrent. Les nôtres, sans avoir perdu un seul homme et n'ayant qu'un tout petit nombre de blessés, après avoir redouté une lutte terrible, car ils avaient
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