Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
Vom Netzwerk:
Autrichiens.
    « Je trouve cela charmant, disait-il en parlant d’un certain document diplomatique qui accompagnait l’envoi de drapeaux autrichiens pris par Wittgenstein, le héros de Pétropol (ainsi qu’on l’appelait à Pétersbourg).
    – Qu’est-ce donc ? » lui demanda Anna Pavlovna, avec l’intention de provoquer un silence qui lui permît de répéter le mot qu’elle connaissait déjà.
    Il s’empressa d’en profiter, et cita les paroles textuelles de la dépêche qu’il avait du reste composée lui-même : « L’Empereur renvoie les drapeaux autrichiens, drapeaux amis égarés qu’il a trouvés hors de la route {23} .
    – Charmant, charmant ! dit le prince Basile.
    – C’est peut-être la route de Varsovie, » dit tout haut le prince Hippolyte. On se retourna pour le regarder, car ces paroles n’avaient aucun sens. Il répondit à cet étonnement général par un air d’aimable satisfaction. Il ne comprenait pas plus que les autres ce qu’il avait dit, mais il avait remarqué, dans sa carrière diplomatique, que des phrases prononcées de cette façon passaient parfois pour très spirituelles ; aussi avait-il à tout hasard jeté les premiers mots qui s’étaient trouvés au bout de sa langue, en se disant : « Il en sortira peut-être quelque chose de très bien ; dans le cas contraire, il se trouvera toujours quelqu’un qui en tirera parti. » Le pénible silence qui suivit son mot fut interrompu par l’entrée de la personne « qui manquait de patriotisme », et qu’Anna Pavlovna se disposait à ramener à de meilleurs sentiments, menaçant gracieusement du doigt le prince Hippolyte, elle invita le prince Basile à se rapprocher de la table, fit placer des bougies devant lui, et, lui tendant le manuscrit, le supplia d’en faire la lecture.
    « Très Auguste Souverain et Empereur ! » commença le prince Basile d’un ton solennel, en jetant sur son auditoire un regard qui semblait condamner d’avance celui qui aurait osé protester contre ces paroles. Personne ne souffla mot… Moscou, la première capitale, la nouvelle Jérusalem, reçoit « son Christ », continua-t-il en appuyant sur le pronom, comme une mère qui entoure de ses bras ses fils pleins de ferveur, et, prévoyant, à travers les ténèbres qui s’élèvent, la gloire éblouissante de ta puissance, elle chante avec extase : « Hosannah, béni soit celui qui vient ! » On sentait des larmes dans la voix du prince Basile à cette dernière phrase. Bilibine regardait attentivement ses ongles ; d’autres personnes avaient l’air embarrassé. Anna Pavlovna, prenant les devants, murmurait in petto la phrase qui suivait : « Qu’importe que le Goliath impudent et hardi… » tandis que le prince Basile reprenait tout haut : « Qu’importe que le Goliath impudent et hardi, venant des frontières de la France, apporte aux confins de la Russie les épouvantes meurtrières ; l’humble foi, cette fronde du David russe, frappera subitement la tête de son orgueil, avide de sang. Cette image du bienheureux saint Serge, l’antique zélateur du bien de sa patrie, s’offre à Votre Majesté Impériale. Je regrette que mes forces affaiblies par l’âge m’empêchent de jouir de votre douce vue. J’adresse au Tout-Puissant d’ardentes prières. Qu’il daigne augmenter le nombre des justes et accomplir les pieux désirs de Votre Majesté ! »
    – Quelle force ! quel style ! » s’écria-t-on de tous côtés en louant à la fois l’auteur et le lecteur.
    Mis en train par cette éloquente épître, les hôtes d’Anna Pavlovna causèrent longtemps encore de la situation du pays et se livrèrent à maintes et maintes suppositions sur l’issue de la bataille qui devait avoir lieu vers cette époque.
    « Vous verrez, dit Mlle Schérer, que demain, pour l’anniversaire de la naissance de l’Empereur, on aura des nouvelles, et j’ai de bons pressentiments ! »

II
    Le pressentiment d’Anna Pavlovna se réalisa. Le lendemain, pendant le Te Deum chanté au palais, le prince Volkonsky fut appelé hors de la chapelle, et reçut un pli contenant le rapport du prince Koutouzow, écrit le jour de la bataille de Tatarinovo. Il lui annonçait que les Russes n’avaient pas reculé d’une semelle, que les pertes de l’ennemi étaient supérieures aux nôtres, et que, si le temps lui manquait pour lui donner des détails plus précis, il pouvait du moins lui assurer que la victoire nous

Weitere Kostenlose Bücher