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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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troupes établies à Fominsk composaient l’arrière-garde de l’armée, qu’elle avait quitté Moscou cinq jours auparavant, et que Napoléon était avec elle. Les cosaques du détachement, qui avaient aperçu les régiments français de la garde sur la route de Horovsk, confirmèrent cette déposition. Il devenait dès lors évident qu’au lieu d’une division, on avait devant soi toute l’armée ennemie sortie de Moscou et marchant dans une direction imprévue. Dokhtourow, qui avait reçu ordre d’attaquer Fominsk, hésitait à entreprendre quoi que ce soit, ne se faisant plus une idée bien nette de ce qu’il avait à faire, en face de cette nouvelle complication. Bien que Yermolow l’engageât à prendre une décision, il insista sur la nécessité de recevoir de nouveaux ordres du commandant en chef. À cet effet on envoya un rapport à l’état-major, et ce rapport fut confié à Bolhovitinow, officier intelligent, qui devait y ajouter les explications verbales, et qui, après avoir reçu le paquet et les instructions, partit pour le quartier général, accompagné d’un cosaque et de deux chevaux de rechange.

XVI
    Cette nuit d’automne était sombre et chaude. Après avoir fait trente verstes, en une heure et demie, sur une route boueuse et défoncée par la pluie des quatre derniers jours, Bolhovitinow arriva à Létachevka, à deux heures de la nuit, descendit de cheval devant une isba entourée d’une haie sèche de branches tressées, sur laquelle était une pancarte portant les mots « Quartier général ». Jetant à son cosaque la bride de son cheval il entra dans l’antichambre, où régnait la plus profonde obscurité.
    « Le général de service ?… Très important ! dit-il en s’adressant à une ombre qui se leva en sursaut à ces mots.
    – Il est très malade depuis hier ; voilà trois nuits qu’il ne dort pas, répondit la voix endormie d’un domestique militaire.
    – Eh bien, allez alors réveiller le capitaine… Je vous dis que c’est très urgent, c’est de la part du général Dokhtourow, reprit l’envoyé en suivant à tâtons, par la porte entr’ouverte le domestique qui allait, de son côté, éveiller le capitaine.
    – Votre Noblesse, Votre Noblesse, un « coulier » !
    – Quoi ? Qu’est-ce ? De qui ? s’écria le capitaine.
    – De la part de Dokhtourow. Napoléon est à Fominsk ! dit Bolhovitinow en devinant à la voix que ce n’était pas Konovnitzine.
    Le capitaine bâillait et s’étirait.
    « Je n’ai pas bien envie, je vous avoue, de le réveiller, dit-il : il est assez malade, et ce ne sont peut-être que des bruits.
    – Voilà le rapport, reprit le premier : j’ai ordre de le remettre à l’instant même au général de service.
    – Attendez un peu que j’aie de la lumière. Où diable te fourres-tu donc toujours ? » ajouta-t-il en s’adressant au domestique. Celui qui parlait était Scherbinine, aide de camp du général Konovnitzine. « J’ai trouvé, j’ai trouvé ! » poursuivit-il en rencontrant sous sa main le chandelier.
    À la lueur de la chandelle que Scherbinine venait d’allumer, Bolhovitinow le reconnut et aperçut, dans l’angle opposé de la chambre, un autre dormeur, qui était le général.
    « Qui a donné ce renseignement ? demanda le capitaine en prenant le pli.
    – La nouvelle est sûre, répondit l’autre. Les prisonniers, les cosaques et les espions disent tous la même chose.
    – Il faudra donc le réveiller, » se dit Scherbinine en s’approchant de l’homme endormi, qui était coiffé d’un bonnet de coton et enveloppé d’un manteau militaire.
    « Piotr Pétrovitch ! dit-il tout bas, mais Konovnitzine ne bougea pas… –Au quartier général ! » dit-il plus haut et en souriant, sachant que ces mots seraient d’un effet magique.
    En effet, la tête coiffée du bonnet de coton se souleva aussitôt, et sur la belle et grave physionomie du général, dont les joues étaient empourprées par la fièvre, passa, comme un éclair, l’impression de son dernier rêve, bien éloigné sans doute de l’actualité ; soudain il tressaillit et reprit son air habituel.
    « Qu’est-ce ? De qui ? » demanda-t-il sans se presser.
    Après avoir écouté le rapport de l’officier, il décacheta le pli et le lut. Ceci fait, il posa à terre ses pieds chaussés de bas de laine, chercha ses bottes, ôta son bonnet, passa un peigne dans ses favoris, et mit sa casquette.
    « Combien de

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