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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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sans répondre, Lamme se lança sur lui comme un
bœuf furieux, le terrassa, le frappa de toute sa force, mais ne lui
faisait pas grand mal à cause de la grasse faiblesse de ses bras.
Le batelier, tout en faisant semblant de résister, se laissait
faire, et Ulenspiegel disait : « Ce vaurien payera à
boire. »
    Les hommes, femmes et manouvriers, qui de la rive regardaient la
bataille, disaient : « Qui eût cru que ce gros homme fût
si impétueux ? »
    Et ils battaient des mains tandis que Lamme frappait comme un
sourd. Mais le batelier ne prenait d’autres soins que de préserver
son visage. Soudain, Lamme fut vu, le genou sur la poitrine du
Stercke Pier, le tenant d’une main à la gorge et levant l’autre
pour frapper.
    – Crie grâce, disait-il furieux ! ou je te fais passer à
travers les planches de ta cuvelle !
    Le batelier toussant pour montrer qu’il ne savait crier, demanda
grâce de la main.
    Alors Lamme fut vu relever généreusement son ennemi, qui bientôt
se trouva debout, et, tournant le dos aux spectateurs, tira la
langue à Ulenspiegel, lequel éclatait de rire de voir Lamme,
secouant fièrement la plume de son béret, marcher en grand triomphe
sur le bateau.
    Et les hommes, femmes, garçonnets et fillettes, qui-étaient sur
la rive, applaudissaient de leur mieux, disant : « Vive
le vainqueur du Stercke Pier ! C’est un homme de fer.
Vîtes-vous comme il le dauba du poing et comme d’un coup de tête,
il le renversa sur le dos ? Voici qu’ils vont boire maintenant
pour faire la paix. Le Stercke Pier monte de la cale avec du vin et
des saucissons. »
    De fait, le Stercke Pier était monté avec deux hanaps et une
grande pinte de vin blanc de Meuse. Et Lamme et lui avaient fait la
paix. Et Lamme, tout joyeux à cause de son triomphe, à cause du vin
et des saucissons, lui demandait, en lui montrant une cheminée de
fer qui dégageait une fumée noire et épaisse, quelles étaient les
fricassées qu’il faisait dans la cale.
    – Cuisine de guerre, répondit le Stercke Pier en souriant.
    La foule des manouvriers, des femmes et des enfants s’étant
dispersée pour retourner au travail ou au logis, le bruit courut
bientôt de bouche en bouche qu’un gros homme, monté sur un âne et
accompagné d’un petit pèlerin, monté également sur un âne, était
plus fort que Samson et qu’il fallait se garder de l’offenser.
    Lamme buvait et regardait le batelier victorieusement.
    Celui-ci dit soudain :
    – Vos baudets s’ennuient là-bas.
    Puis, amenant le bateau contre le quai, il descendit à terre,
prit un des ânes par les pieds de devant et les pieds de derrière,
et le portant comme Jésus portait l’agneau, le déposa sur le pont
du bateau. Puis, en ayant fait de même de l’autre sans souffler, il
dit :
    – Buvons.
    Le garçonnet sauta sur le pont.
    Et ils burent. Lamme ébahi ne savait plus si c’était lui-même,
natif de Damme, qui avait battu cet homme robuste, et il n’osait
plus le regarder qu’à la dérobée, sans aucun triomphe, craignant
qu’il ne lui prît envie de le prendre comme il avait fait des
baudets et de le jeter tout vif dans la Meuse, par rancune de sa
défaite
    Mais le batelier, souriant, l’invita gaiement à boire encore, et
Lamme se remit de sa frayeur et le regarda derechef avec une
assurance victorieuse.
    Et le batelier et Ulenspiegel riaient.
    Dans l’entre-temps, les baudets, ébahis de se trouver sur un
plancher qui n’était point celui des vaches, avaient baissé la
tête, couché les oreilles, et de peur n’osaient boire. Le batelier
leur alla quérir un des picotins d’avoine qu’il donnait aux chevaux
qui halaient sa barque, après l’avoir acheté lui-même, afin de
n’être point volé par les conducteurs sur le prix du fourrage.
    Quand les baudets virent le picotin, ils marmonnèrent les
patenôtres de gueule en regardant le pont du bateau
mélancoliquement et n’y osant, de peur de glisser, bouger du
sabot.
    Sur ce, le batelier dit à Lamme et à Ulenspiegel :
    – Allons à la cuisine.
    – Cuisine de guerre, dit Lamme inquiet.
    – Cuisine de guerre, mais tu peux y descendre sans crainte mon
vainqueur.
    – Je n’ai point de crainte et je te suis, dit Lamme.
    Le garçonnet se mit au gouvernail.
    En descendant ils virent partout des sacs de grains, de fèves de
pois, de carottes et autres légumes.
    Le batelier leur dit alors en ouvrant la porte d’une petite
forge.
    – Puisque vous êtes des hommes au

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