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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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cœur vaillant qui connaissez
le cri de l’alouette, l’oiseau des libres, et le clairon guerrier
du coq, et le braire de l’âne, le doux travailleur, je veux vous
montrer ma cuisine de guerre. Cette petite forge, vous la trouverez
dans la plupart des bateaux de Meuse. Nul ne la peut suspecter, car
elle sert à remettre en état les ferrures des navires ; mais
ce que tous ne possèdent point, ce sont les beaux légumes contenus
en ces placards.
    Alors, écartant quelques pierres qui couvraient le fond de la
cale, il leva quelques planches, en tira un beau faisceau de canons
d’arquebuses, et le levant, comme il l’eût fait d’une plume, il le
remit à sa place, puis il leur montra des fers de lances, des
hallebardes, des lames d’épées, des sachets de balles et de
poudre.
    – Vive le Gueux ! dit-il ; ici sont les fèves et la
sauce, les crosses sont les gigots, les salades ce sont les fers de
hallebardes, et ces canons d’arquebuse sont des jarrets de bœuf
pour la soupe de liberté. Vive le Gueux ! Où me faut-il porter
cette nourriture ? demanda-t-il à Ulenspiegel.
    Ulenspiegel répondit :
    – À Nimègue où tu entreras avec ton bateau plus chargé encore de
vrais légumes, à toi apportés par des paysans, que tu prendras à
Etsen, à Stephansweert et à Ruremonde. Et ceux-là aussi chanteront
comme l’alouette, oiseau des libres, tu répondras par le clairon
guerrier du coq. Tu iras chez le docteur Pontus, demeurant près du
Nieuwe-Waal ; tu lui diras que tu viens en ville avec des
légumes, mais que tu crains la sécheresse. Pendant que les paysans
iront au marché vendre les légumes trop cher pour qu’on les achète,
il te dira ce qu’il faut faire de tes armes. Je pense toutefois
qu’il ordonnera de passer, non sans péril, par le Wahal, la Meuse
ou le Rhin, échangeant les légumes contre des filets à vendre, pour
vaquer avec les bateaux de pêche d’Harlingen, où sont beaucoup de
matelots connaissant le chant de l’alouette ; longer la côte
par les Waden, gagner le Lauwer-Zee, échanger les filets contre du
fer et du plomb, donner des costumes de Marken, de Vlieland ou
d’Ameland à tes paysans, te tenir un peu sur les côtes, pêchant et
salant ton poisson pour le garder et non pour le vendre, car boire
frais et guerroyer salé est chose légitime.
    – Adoncques, buvons, dit le batelier.
    Et ils montèrent sur le pont.
    Mais Lamme, brassant mélancolie :
    – Monsieur le batelier, dit-il soudainement, vous avez ici, en
votre forge un petit feu si brillant que pour sûr on y ferait cuire
le plus suave des hochepots. Mon gosier est altéré de soupe.
    – Je te vais rafraîchir, dit l’homme.
    Et bientôt il lui servit une soupe grasse, où il avait bouilli
une grosse tranche de jambon salé.
    Quand Lamme en eût avalé quelques cuillerées, il dit au
batelier :
    – La gorge me pèle, la langue me brûle ; ce n’est point là
du hochepot.
    Boire frais et guerroyer salé, c’était écrit, dit
Ulenspiegel.
    Le batelier remplit donc les hanaps, et dit :
    – Je bois à l’alouette, oiseau de liberté.
    Ulenspiegel dit :
    – Je bois au coq, claironnant la guerre.
    Lamme dit :
    – Je bois à ma femme ; qu’elle n’ait jamais soif, la bonne
aimée.
    – Tu iras Jusqu’à Emden, par la mer du Nord, dit Ulenspiegel au
batelier. Emden nous est un refuge.
    – La mer est grande, dit le batelier
    – Grande pour la bataille, dit Ulenspiegel
    – Dieu est avec nous, dit le batelier.
    – Qui donc est contre nous ? repartit Ulenspiegel.
    – Quand partez-vous ? dit-il
    – Tout de suite, répondit Ulenspiegel.
    – Bon voyage et vent arrière. Voici de la poudre et des
balles.
    Et, les baisant, il les conduisit, après avoir porté comme des
agnelets sur son cou et ses épaules les deux baudets.
    Ulenspiegel et Lamme les ayant montés, ils partirent pour
Liége.
    – Mon fils, dit Lamme, tandis qu’ils cheminaient, comment cet
homme si fort s’est-il laissé dauber par moi si
cruellement ?
    – Afin, dit Ulenspiegel, que partout où nous irons la terreur te
précède. Ce nous sera une meilleure escorte que vingt
landsknechts
. Qui osera désormais attaquer Lamme, le
puissant, le victorieux ; Lamme le taureau sans pareil, qui
terrassa d’un coup de tête, au vu et au su d’un chacun, le Stercke
Pier, Pierre le Fort, qui porte les baudets comme des agneaux et
lève d’une épaule toute une charrette de tonneaux de bière ?
Chacun te connaît ici déjà, tu es

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