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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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Sept et
nous irons, Lamme, chez les filles. Ta femme y est peut-être, ce
sera double coup de filet.
    – Je le veux, dit Lamme
    On était pour lors en septembre ; vers la fin de l’été,
quand le soleil déjà roussit les feuilles des marronniers, que les
oiselets chantent dans les arbres et qu’il n’est ciron si petit qui
ne susurre d’aise d’avoir si chaud dans l’herbe.
    Lamme errait à côté d’Ulenspiegel par les rues d’Anvers,
baissant la tête et traînant son corps comme une maison.
    – Lamme, dit Ulenspiegel, tu brasses mélancolie ; ne
sais-tu donc point que rien ne fait plus mal à la peau ? Si tu
persistes en ton chagrin, tu la perdras par bandes. Et ce sera une
belle parole à entendre quand on dira de toi : Lamme le
pelé.
    – J’ai faim, dit Lamme.
    – Viens manger, dit Ulenspiegel.
    Et ils allèrent ensemble aux Vieux-Degrés, où ils mangèrent des
choesels
et burent de la
dobbel-kuyt
tant qu’ils
en purent porter.
    Et Lamme ne pleurait plus.
    Et Ulenspiegel disait :
    – Bénie soit la bonne bière qui te fait l’âme tout
ensoleillée ! Tu ris et secoues ta bedaine. Que j’aime à te
voir, danse de tripes joyeuses !
    – Mon fils, dit Lamme, elles danseraient bien davantage si
j’avais le bonheur de retrouver ma femme.
    – Allons la chercher, dit Ulenspiegel.
    Ils vinrent ainsi dans le quartier du Bas-Escaut.
    – Regarde, dit Ulenspiegel à Lamme, cette maisonnette tout en
bois, avec de belles croisées bien ouvrées et fenestrées de petits
carreaux ; considère ces rideaux jaunes et cette lanterne
rouge. Là, mon fils, derrière quatre tonneaux de
bruinbier,
d’uitzet
de
dobbel-kuyt
et de vin d’Amboise, siège
une belle
baesine
de cinquante ans ou davantage. Chaque
année qu’elle vécut lui fit une nouvelle couche de lard. Sur l’un
des tonneaux brille une chandelle, et il y a une lanterne accrochée
aux solives du plafond. Il fait là clair et noir, noir pour
l’amour, clair pour le payement.
    – Mais, dit Lamme, c’est un couvent de nonnains du diable, et
cette
baesine
en est l’hôtesse.
    – Oui, dit Ulenspiegel, c’est elle qui mène, au nom du seigneur
Belzébuth, dans la voie du péché, quinze belles filles d’amoureuse
vie, lesquelles trouvent chez elle refuge et nourriture, mais il
leur est défendu d’y dormir.
    – Tu connais ce couvent ? dit Lamme.
    – J’y vais chercher ta femme. Viens.
    – Non, dit Lamme, j’ai réfléchi et n’y entre point.
    – Laisseras-tu ton ami s’exposer tout seul au milieu de ces
Astartés ?
    – Qu’il aille point, dit Lamme.
    – Mais s’il y doit aller pour trouver les Sept et ta femme,
repartit Ulenspiegel.
    – J’aimerais mieux dormir, dit Lamme.
    – Viens donc alors, dit Ulenspiegel ouvrant la porte et poussant
Lamme devant lui. Vois, la
baesine
se tient derrière ses
tonneaux entre deux chandelles : la salle est grande, à
plafond de chêne noirci, aux solives enfumées. Tout autour règnent
des bancs, des tables aux pieds boiteux, couverts de verres, de
pintes, de gobelets, de hanaps, de cruches, de flacons, de
bouteilles et d’autres engins de buverie. Au milieu sont encore des
tables et des chaises, sur lesquelles trônent des heuques, qui sont
capes de commères, des ceintures dorées, des patins de velours, des
cornemuses, des fifres, des scalmeyes. Dans un coin est une échelle
qui mène à l’étage. Un petit bossu pelé joue sur un clavecin monté
sur des pieds de verre qui font grincer le son de l’instrument.
Danse, mon bedon. Quinze belles filles-folles sont assises, qui sur
les tables, qui sur les chaises, jambe de ci, jambe de là,
penchées, redressées, accoudées, renversées, couchées sur le dos ou
le côté, à leur fantaisie, vêtues de blanc, de rouge, les bras nus
ainsi que les épaules et la poitrine jusqu’au milieu du corps. Il y
en a de toutes sortes, choisis ! Aux unes la lumière des
chandelles, caressant leurs cheveux blonds, laisse dans l’ombre
leurs yeux bleus dont on ne voit que l’humide feu briller.
D’autres, regardant le plafond, soupirent sur la viole quelque
ballade d’Allemagne. D’aucunes, rondes, brunes, grasses, éhontées,
boivent à plein hanap le vin d’Amboise, montrent leurs bras ronds,
nus jusqu’à l’épaule, leur robe entrebâillée, d’où sortent les
pommes de leurs seins, et, sans vergogne, parlent à pleine bouche,
l’une après l’autre ou toutes ensemble. Ecoute-les :
    « Foin de monnaie aujourd’hui ! c’est

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