La Marquise de Pompadour
noble cœur que le sien !…
Ces éloges de la comtesse du Barry à M me d’Etioles étaient un prodige d’habileté.
Le roi fut doucement ému.
Juliette pleurait maintenant… Et ses larmes la rendaient plus belle encore…
– Je l’ai trahie, reprit-elle, puisque je connaissais son amour pour vous, tandis que moi, je n’ai jamais osé lui révéler le mien… J’étais sa confidente… elle n’était pas la mienne… et, depuis qu’elle est dans cette maison, où je suis venue la voir ?…
– Vous êtes venue la voir ?…
– Oui, Sire !…
– Ici ?… Dans cette maison ?…
– Oui, Sire !… Elle m’a fait prévenir de l’endroit où elle se trouvait. Je suis accourue. J’ai su l’histoire du carrosse devant la porte de la cartomancienne, j’ai connu le voyage de Paris à Versailles… Jeanne m’a tout dit !
Et le roi éprouva un vague malaise, un mécontentement contre Jeanne !…
– Alors, continua Juliette, quand j’ai su que le roi devait venir ici tôt ou tard, je me suis décidée… mais, je l’avoue à Votre Majesté, jamais je n’eusse osé aller jusqu’au bout, si Jeanne ne m’avait dit elle-même…
Elle s’arrêta, palpitante…
– Eh bien ! que vous a-t-elle dit ? fit le roi avec une sorte d’impatience, mais en notant toutefois tout ce qu’il y avait de logique, de naturel et de vraisemblable dans le récit de Juliette.
– Elle m’a dit, Sire, que jamais elle ne consentirait à être à Votre Majesté !
Le roi eut un mauvais rire sous lequel il dissimula son dépit.
– Son amour, ajouta Juliette, est trop idéal. Elle veut aimer le roi, mais non lui appartenir… Et puis… peut-être son amour est-il balancé par un sentiment… oh ! de simple pitié… qu’elle a pour un pauvre officier… que je ne connais pas… dont elle n’a pas voulu dire le nom…
– Mais je le connais, fit le roi en froissant nerveusement son jabot. Et cela suffit !… Ah ! elle parle ouvertement de son amour pour moi, et n’ose parler de ce… chevalier… C’est lui qu’elle aime !…
– Sire ! je n’ai pas dit cela !…
– Oui, mais moi, je le devine !… Passez, madame… continuez… votre récit est plein de charme et d’attrait…
– Que vous dirai-je, Sire ! Peut-être mon amour, à moi, est-il moins idéal !… mais je voulais connaître l’immense bonheur de vous serrer dans mes bras… dussé-je en mourir !…
– Vous ne mourrez pas ! C’est moi qui vous le jure !
Juliette contint la joie furieuse qui montait en elle : ce cri du roi, elle le comprit, c’était la condamnation de Jeanne !…
– Sire, reprit-elle alors, M me d’Etioles m’a dit hier qu’elle comptait retourner à Paris pour quelques jours… En vain lui ai-je objecté – et je faisais un dur sacrifice en lui parlant ainsi – que Votre Majesté viendrait peut-être !… Elle m’a répondu que le roi ne viendrait pas tant qu’elle ne l’appellerait pas !…
– C’est, pardieu, vrai ! J’étais un niais !
– Oh ! Sire !… Ce n’est pas là ce que pensait ma pauvre amie, je vous le jure !
– Votre amie !… Une intrigante !…
– Non, Sire ! non ! Une femme qui a sa manière d’aimer, voilà tout !… Et puis, elle a ajouté qu’elle devait absolument voir quelques personnes à Paris…
– Quelques personnes !… Une seule !… cet officier… ce chevalier !…
– Je ne sais, Sire !… Toujours est-il que la folie s’est emparé de moi ! J’ai guetté le départ de Jeanne ! j’ai fait écrire par Suzon le mot que vous avez reçu sans doute…
Nouvelle circonstance qui prouvait au roi la rigoureuse véracité de ce récit !
– Suzon ne voulait pas, mais je lui ai dit que M me d’Etioles lui en donnait l’ordre. Elle a obéi… Et alors, tremblante, à demi morte d’effroi… et d’amour… j’ai attendu !… Mais je le jure à Votre Majesté, j’avais bien l’intention de ne pas me révéler, de m’en aller… et de mourir !… Vous êtes venu, Sire… vous savez le reste… Et maintenant, si mon roi conserve contre moi la moindre colère… eh bien… je mourrai… voilà tout !…
A ces mots, Juliette éclata en sanglots…
– Ne pleurez pas, murmura le roi.
– Hélas ! Sire… comment ne pas pleurer !… Ah ! je vous jure… ce n’est pas la vie que je regrette.
– Et que regrettez-vous donc ? fit Louis en enlaçant Juliette de son bras.
– Votre
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