La parfaite Lumiere
mère :
— Etes-vous préparée au
pire ? Il n’y a pas un atome de différence entre une rencontre comme
celle-ci et une lutte à mort, même si les armes diffèrent.
Pour la première fois, la vieille
femme se mit à rire.
— Inutile de me dire cela.
S’il est vaincu par un homme plus jeune tel que vous, alors il fera mieux de
renoncer aux arts martiaux, et dans ce cas, à quoi bon continuer de
vivre ? Si les choses se passent ainsi, je ne vous garderai pas rancune.
— Alors, soit.
Il ramassa la corde que Gonnosuke
avait jetée à terre.
— ... Si nous restons sur la
route, les gens nous gêneront. Attachons la vache, et je me battrai aussi
longtemps que vous le souhaiterez.
Il y avait un énorme mélèze en
plein milieu de la surface plate où ils se trouvaient. Musashi le désigna et
les y conduisit.
— ... Préparez-vous,
Gonnosuke, dit-il calmement.
Gonnosuke n’avait pas besoin
d’être stimulé. En un instant, il fut debout devant Musashi, le bâton pointé
vers le sol. Musashi se tenait là, les mains vides, les épaules et les bras
détendus.
— Vous n’allez pas vous
préparer ? demanda Gonnosuke.
— Pour quoi faire ?
La colère de Gonnosuke
explosa :
— Allez chercher quelque
chose pour vous battre avec. Ce que vous voudrez.
— Je suis prêt.
— Sans arme ?
— J’ai mon arme ici, répliqua
Musashi en portant la main gauche à la poignée de son sabre.
— Vous vous battez au
sabre ?
La seule réponse de Musashi fut un
petit sourire en coin. Il en était déjà au stade où il ne pouvait se permettre
de gaspiller son souffle en paroles. Sous le mélèze se tenait assise la mère de
Gonnosuke, pareille à un bouddha de pierre.
— Ne vous battez pas encore.
Attendez ! dit-elle.
Les yeux fixés l’un sur l’autre,
sans faire le moindre mouvement, les deux hommes ne semblaient pas entendre. Le
bâton de Gonnosuke attendait sous son bras l’occasion de frapper comme s’il
avait inhalé tout l’air du plateau, et se trouvait sur le point de l’exhaler en
un seul grand coup cinglant. Musashi avait la main collée sous la poignée de
son sabre, et ses yeux paraissaient percer le corps de Gonnosuke. A
l’intérieur, la bataille avait déjà commencé car l’œil peut endommager un homme
plus gravement qu’un sabre ou qu’un bâton. Une fois que l’œil a opéré la
première percée, le sabre ou le bâton pénètre sans effort.
— ... Attendez ! cria de
nouveau la mère.
— Qu’y a-t-il ? demanda
Musashi, sautant de quatre ou cinq pieds en arrière pour se mettre à l’abri.
— Vous vous battez avec un
vrai sabre ?
— De la façon dont je me
bats, ça ne fait aucune différence que j’utilise un sabre de bois ou bien un
sabre véritable.
— Je n’essaie pas de vous
empêcher.
— Je veux être sûr que vous
comprenez. Le sabre, de bois ou d’acier, est un absolu. Dans un véritable duel,
il n’y a pas de demi-mesures. L’unique moyen d’éviter le risque est de fuir.
— Vous avez parfaitement
raison, mais j’ai pensé que dans une rencontre de cette importance, vous deviez
vous déclarer de façon protocolaire. Chacun de vous affronte un adversaire tel
qu’il en affrontera peu souvent. Le combat une fois terminé, il sera trop tard.
— Exact.
— Gonnosuke, nomme-toi le
premier.
Gonnosuke s’inclina
cérémonieusement devant Musashi.
— Notre lointain ancêtre
passe pour avoir été Kakumyō qui s’est battu sous la bannière du grand
guerrier de Kiso, Minamoto no Yoshinaka. Après la mort de Yoshinaka, Kakumyō
est devenu un disciple de saint Hōnen, et il se peut que nous soyons de la
même famille que lui. A travers les siècles, nos ancêtres ont vécu dans cette
région mais à la génération de mon père nous avons subi le déshonneur ; je
me tairai là-dessus. Dans ma détresse, je me suis rendu avec ma mère au
sanctuaire d’Ontake, où j’ai fait vœu par écrit de restaurer notre bon renom en
suivant la Voie du samouraï. Devant le dieu du sanctuaire d’Ontake, j’ai acquis
ma technique du bâton. Je la nomme le style Musō, c’est-à-dire le style de
la Vision car j’en ai reçu la révélation au sanctuaire. Les gens m’appellent Musō
Gonnosuke.
Musashi lui rendit son salut.
— Ma famille descend de
Hirata Shōgen, dont la maison était une branche des Akamatsu de Harima. Je
suis le fils unique de Shimmen Munisai, lequel vivait au village de Miyamoto,
dans le Mimasaka. L’on
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