La parfaite Lumiere
sanctuaire caché parmi les saules.
Otsū, brûlant d’avoir les
mains libres pour attaquer son ravisseur, se disait qu’il serait merveilleux
d’être métamorphosée en un serpent comme celui qu’elle voyait peint sur une
plaque. Lové autour d’un saule, il sifflait en direction d’un homme qui lui
jetait un sort.
— ... J’ai eu de la chance.
Avec un soupir de soulagement, il
poussa la jeune fille dans le sanctuaire et referma la porte contre laquelle il
s’appuya pesamment en regardant fixement le petit bateau accoster dans une
crique, à environ quatre cents mètres de là.
Il avait passé une journée
épuisante. Lorsqu’il avait tenté de recourir à la force brutale pour s’emparer
d’Otsū, elle avait clairement indiqué qu’elle préférerait mourir plutôt
que se soumettre. Elle avait été jusqu’à menacer de se trancher la langue avec
les dents, et Matahachi la connaissait assez pour savoir qu’il ne s’agissait
pas d’une menace vide. La frustration du jeune homme le poussa presque au
meurtre, mais cette idée même lui ôta ses forces et calma sa convoitise.
Il n’arrivait pas à comprendre
pourquoi la jeune fille aimait Musashi au lieu de l’aimer lui, alors que
ç’avait si longtemps été l’inverse. Les femmes ne le préféraient-elles pas à
son vieil ami ? Cela n’avait-il pas toujours été le cas ? Okō
n’avait-elle pas été attirée aussitôt vers Matahachi lorsqu’ils l’avaient pour
la première fois rencontrée ? Bien sûr que si. Il n’y avait qu’une seule
explication possible : Musashi déblatérait sur lui derrière son dos. En
méditant sur sa trahison, Matahachi se mit en fureur.
« Quel âne stupide et facile
à duper je suis ! Comment ai-je pu le laisser se moquer à ce point de
moi ? Dire que j’étais en larmes, à l’écouter parler d’éternelle amitié,
et m’assurer combien elle lui était précieuse ! Ha ! »
Il se reprocha vertement de
n’avoir pas tenu compte de la mise en garde de Sasaki Kojirō, qui
résonnait encore à ses oreilles : « Si vous faites confiance à ce
coquin de Musashi, vous le regretterez toute votre vie. »
Jusqu’à ce jour, il avait hésité
entre l’affection et l’antipathie à l’égard de son ami d’enfance, mais
maintenant il le vomissait. Et bien qu’il ne pût se résoudre à s’exprimer à
voix haute, il pria en lui-même pour l’éternelle damnation de Musashi.
Il se persuadait que Musashi était
son ennemi, né pour lui mettre des bâtons dans les roues à tous les coins de
rue, et finalement pour le détruire. « Le sale hypocrite !
pensait-il. Il me rencontre après tant d’années, me dit que je dois me montrer
un homme digne de ce nom, que je dois me ressaisir, que nous irons désormais
main dans la main, amis pour la vie. Je me rappelle ses moindres mots... je le
revois me dire tout ça avec une telle sincérité ! Rien que d’y penser, ça
me rend malade. D’un bout à l’autre, il devait bien rire en lui-même... Les
soi-disant justes de ce monde sont tous des faux jetons comme Musashi, se
rassurait Matahachi. Eh bien, maintenant je les perce à jour. Ils ne peuvent
plus me duper. Etudier un tas de livres stupides et subir toutes sortes
d’épreuves à seule fin de devenir un hypocrite de plus, quelle absurdité !
A partir de maintenant, ils pourront me dire tout ce qu’ils voudront. Même si
je dois recourir au crime pour cela, d’une manière ou d’une autre j’empêcherai
ce coquin de devenir célèbre. Durant le reste de sa vie, je me mettrai en
travers de sa route ! »
Il se retourna et poussa d’un coup
de pied la porte. Puis il ôta le bâillon et dit froidement :
— ... Encore en train de
pleurer ?
Pas de réponse.
— ... Réponds-moi !
Réponds à la question que je t’ai posée tout à l’heure.
Mis en fureur par son silence, il
frappa du pied sa forme sombre, à terre. Elle s’écarta, hors de sa portée, et
dit :
— Je n’ai rien à te répondre.
Si tu veux me tuer, fais-le en homme.
— Ne dis pas de
sottise ! Je suis décidé. Toi et Musashi, vous avez ruiné ma vie, et je me
vengerai, quel que soit le temps qu’il faudra.
— Absurdité. Personne d’autre
que toi-même ne t’a écarté de ta route. Bien sûr, cette Okō t’a peut-être
donné un coup de main.
— Prends garde à ce que tu
dis !
— Oh ! toi et ta
mère !... Quelle famille ! Pourquoi faut-il toujours que vous
haïssiez
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