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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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tendit.
    — Ah, mais non ! s’exclama-t-il. Nous ne dînerons pas ensemble.
    — Mais si, dit Sophie en pointant le doigt sur le carton. Regardez, nous aussi, nous sommes salle Chambord.
    — Oui, mais pas à la même heure. Vous êtes au premier service.
    — Ah bon ! Vous êtes sûr ? Et qu’est-ce que ça veut dire ?
    — Il y a tellement de personnes importantes à satisfaire et à ne pas froisser qu’ils ont établi deux services salle Chambord. Le premier avec le maire de New York et le deuxième avec Jackie Kennedy. Pour le premier service, il y aura le défilé de mode à la salle de spectacle, et le bal est réservé aux invités du deuxième service. Nous nous retrouverons donc après au bar de l’Atlantique ou pour la soupe à l’oignon dans la nuit. C’est toujours là que ça finit, et après tout ce qu’on ingurgite dans une journée, je m’étonne encore d’y voir autant de monde.
    Mais Sophie se moquait bien de la soupe à l’oignon. Elle était très déçue car seul le bal l’intéressait vraiment.
    — Et le commandant, à quel dîner sera-t-il ? Au premier ou au second ?
    — Ah, là, pauvre homme. Aux deux, figurez-vous, il s’arrangera pour ne pas trop manger au premier. Il prendra l’entrée et premier plat, et au deuxième dîner il prendra le deuxième plat, le fromage et le dessert.
    — Et les autres ?
    — Les autres ?
    — Les officiers, où seront-ils ?
    — Ah ah, je vois que ça vous intéresse ! Eh bien, la plupart seront au deuxième service, on a toujours besoin d’eux pour inviter ces dames à la soirée dansante. Le prestige de l’uniforme ! C’est imparable, vous le savez bien. Et c’est d’ailleurs pour ça que je tiens tant à porter un jour celui de l’Académie. Là, je vais en faire des conquêtes avec l’habit vert et les palmes !
    Il riait, malicieux, et elle lui rendit le magazine.
    — Non, c’est pour vous, dit-il, pas dupe une seule seconde et joueur comme à son habitude. Je vous le portais en souvenir, gardez-le précieusement. Quelque chose me dit que vous ne le perdrez pas. Allez, je ne vous dérange pas plus longtemps, je file. À ce soir.
    Il la quitta avec un sourire qui plissait le coin de ses yeux. D’un geste qui se voulait désinvolte, elle jeta le magazine sur la table puis s’en alla secouer la porte de la salle de bains.
    — Béatrice ! Tu m’entends ?
    — Oui, qui c’était ?
    — L’Académicien.
    — Encore !
    — Oui, comme tu dis ! Mais il vient de m’apprendre qu’il y a deux dîners et qu’on ne sera pas à celui de Jackie Kennedy.
    — Quelle importance, on s’en fiche. De toute façon on a compris qu’elle ne fera rien et on n’a plus rien à lui dire.
    — Peut-être, mais on ne sera pas non plus à la soirée dansante.
    — Quoi ! hurla Béatrice en ouvrant brusquement la porte de la salle de bains libérant un nuage de vapeur qui s’en vint envahir le salon. Dans son peignoir en éponge blanche, le visage tout rougi et avec son bonnet de bain sur la tête, elle avait l’air complètement ahurie et il fallait beaucoup d’imagination pour retrouver la femme élégante qu’elle pouvait être après préparation.
    — Comment ça, on ne sera pas au bal ?
    — Non. C’est privé, juste pour ceux du deuxième dîner. Il y aurait trop de monde sinon.
    — C’est quoi cette histoire de deuxième dîner ?
    Elle se décomposa en entendant Sophie lui expliquer la situation.
    — Zut de zut !
    Elle se retrouvait toujours confrontée au même problème : elle avait beau tout faire pour obtenir des privilèges, il y en avait toujours de nouveaux qui lui échappaient.
    — On n’a pas de chance en ce moment. Tout rate, dit-elle en allant s’effondrer dans le canapé.
    Sophie aussi était abattue. Elle avait voulu être généreuse, altruiste, aider Chantal et réparer une injustice, or rien ne se passait comme prévu. Après l’échec de son intervention auprès de la femme du Président, la soirée dansante leur aurait changé les idées. Et puis c’était la seule occasion de nouer des relations avec les invités américains les plus prestigieux, et enfin, pour Sophie qui ne se l’avouait pas, c’était surtout l’occasion de revoir l’officier et de lui parler, de le connaître et, qui sait, peut-être même de danser avec lui ?
    Elles furent interrompues dans leurs pensées moroses par de nouveaux coups frappés à la porte. C’était à nouveau

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