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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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Sans même y être invité, avec ce culot inconscient qu’il avait quand quelque chose l’accaparait, il entra et s’installa dans un fauteuil.
    — Ma chère Sophie, dit-il en brandissant le magazine, j’ai quelque chose de passionnant à vous montrer. Asseyez-vous !
    Elle referma la porte et le rejoignit.
    — Vous souvenez-vous du premier jour, quand nous étions ensemble au moment de l’embarquement ?
    — Oui, répondit Sophie qui ne voyait pas où il voulait en venir.
    — Vous vous souvenez de cet homme qui montait la passerelle ?
    — Non.
    — Mais si, mais si, celui qui s’est retourné tout en haut et a salué la foule. Je vous ai même dit qu’il ne saluait personne, mais qu’il ferait la une des magazines, vous vous rappelez ?
    — Ah oui, c’est vrai, fit-elle, soudain très intéressée en repensant à cet homme qui l’avait intriguée. Je me souviens. Et alors, qui était-ce ? Vous le savez ?
    — Oui, le voilà ! dit-il en posant le magazine Paris-Match bien en vue sur la table de verre.
    Quand elle vit la photographie de la couverture, Sophie changea de couleur. Elle ne pouvait y croire. Elle s’empara du magazine pour vérifier qu’elle ne se trompait pas et que l’homme qu’elle avait reconnu au premier coup d’oeil était bien le bon. Et c’était bien lui, impossible de se tromper. Cet homme qui souriait et saluait la foule du Havre en haut de la passerelle, c’était son officier !
    — C’est bien ce même officier qui est venu vous parler à la salle à manger Chambord, n’est-ce pas ?
    — Oui, c’est lui.
    Sophie était perplexe. Elle venait de comprendre l’effet de déjà-vu que lui avait fait l’officier la toute première fois quand elle l’avait rencontré dans le petit salon. Elle avait finalement conclu à une ressemblance avec un acteur. Or c’était tout simplement qu’elle l’avait vu juste quelques minutes auparavant en haut de la passerelle. Seulement, cette première fois, il était en civil. Ce qui changeait tout.
    — Que fait-il là ? questionna l’Académicien. Pourquoi est-il en civil et pas en tenue officielle avec les autres ?
    — Comment voulez-vous que je le sache ?
    — Je pensais que vous le connaissiez, puisqu’il est venu vous saluer lors du dîner, je croyais qu’il était un de vos amis et que vous m’aviez joué un tour en ne me le disant pas le premier jour.
    — Non, je vous assure, je ne le connais pas.
    — Curieux quand même, marmonna l’Académicien. Troublée bien plus qu’elle ne l’aurait été s’il s’était agi de quelqu’un qui lui était totalement indifférent, Sophie regardait la photographie, mal à l’aise. Mais qui était cet officier, à la fin ? Que faisait-il dans cette situation ? Pourquoi avait-il choisi délibérément de se faire photographier tout en haut du France habillé en civil, comme un simple passager, alors qu’il aurait dû être avec l’équipage ?
    « La photo sera nette et aura de l’allure... le geste élégant et précis de cet homme, son sourire radieux... il ne salue personne, il salue dans le vide. »
    Les paroles que l’Académicien avait prononcées au Havre revenaient dans la mémoire de Sophie avec netteté, et, à y regarder de près, s’avéraient exactes. On voyait sur la photographie que le regard de l’officier passait au-dessus de la foule amassée au pied du France pour atteindre dans les lointains quelque chose d’invisible. Et si le sourire était radieux, le regard était triste. Mais qui l’officier quittait-il pour avoir dans le regard une pareille tristesse ? Une femme ?
    Elle eut un pincement au coeur.
    — Regardez, là, c’est moi !
    L’Académicien était passé à autre chose. Il pointait du doigt une photographie et montrait fièrement, dans les pages intérieures, des clichés du voyage pris pendant le dîner et sur le pont. Il y apparaissait tour à tour en compagnie du commandant au repas puis avec l’écrivain Joseph Kessel sur le pont.
    — Tenez, dit-il, je vous laisse le magazine et je file. Je venais vous montrer tout ça, mais je dois me préparer pour ce soir. En serez-vous ? Il y aura le maire de New York et Jackie Kennedy. Un défilé de mode est prévu puis on dansera.
    — Oui, bien sûr, dit machinalement Sophie, très perturbée par sa découverte, mais je ne sais pas où on nous a placées.
    — Je vais vous le dire, vous avez le carton d’invitation ?
    — Oui.
    — Montrez. Elle le lui

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