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La passagère du France

La passagère du France

Titel: La passagère du France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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encore que cette initiative ? Après les chiffons, le café ! Trop c’était trop, ce café n’était pas prévu. Ils s’apprêtaient à intervenir vertement quand la Première Dame résolut la question en refusant aimablement. Le commandant respira, enfin on allait pouvoir y aller.
    La jeune vendeuse servait maintenant le café à Sophie et celle-ci passait par toutes les couleurs. Jackie Kennedy allait quitter la boutique et elle n’osait plus faire le geste qu’il fallait faire. Elle n’y arrivait pas. La tasse débordait maintenant et Sophie ne le faisait toujours pas. Dans l’arrière-boutique, Chantal et Béatrice, qui scrutaient la scène, n’en revenaient pas. Sophie calait. C’était la meilleure ! Elles crurent l’affaire perdue quand ce qui était prévu dans le scénario arriva naturellement, comme par miracle. En se retournant pour poser sur le comptoir le foulard qu’elle venait de dénouer, Jackie Kennedy heurta du coude la tasse de café de Sophie qui se tenait tout près, et une grosse éclaboussure s’écrasa sur sa jupe de fin lainage rose. Il y eut des cris, des mouvements de gardes du corps, ces messieurs se précipitèrent. Le tailleur de la Première Dame était taché, que faire ? Dans cette assemblée d’hommes qui avait prévu de parer aux incidents les plus graves et les plus inimaginables, on s’affola pour une tache de café.
    S’il avait fallu repousser virilement un importun, soulever un meuble et le déplacer pour faire de la place au cortège, voire emporter dans ses bras la Première Dame victime d’un malaise, ils auraient tous été efficaces. Mais devant une tache de café sur un tailleur de laine rose, ils étaient désemparés. C’est dans ce moment de panique que Michèle, majestueuse, fît son entrée. Moulée dans un tailleur bleu signé d’une grande maison et offert par son amoureux, juchée sur des escarpins de chevreau assortis, pomponnée plus que de coutume et parfumée plus que de raison, elle avait voulu être à la hauteur de la prestigieuse invitée du France et, comme convenu dans le scénario de Sophie et grâce aux informations précises de Béatrice, elle avait préparé ses produits.
    — J’ai ce qu’il faut, ne vous inquiétez pas, dit-elle avec assurance en se frayant un passage entre ces messieurs tout en arborant un mystérieux flacon. Je vais détacher la jupe de Madame la Présidente en quelques minutes. Mais il faudrait que Madame la Présidente vienne avec moi dans l’arrière-boutique. Je n’en aurai pas pour longtemps.
    Perplexes face à cette apparition qui arrivait à point nommé et quelque peu étourdis par les effluves de son parfum, officiels et gardes du corps la laissèrent s’avancer. Le commandant n’en revenait pas de voir son employée du pressing dans cette tenue, à cet endroit et à cette heure, mais, en homme avisé, il para à l’urgence. Il serait temps après de comprendre le mystère de cette arrivée flamboyante. Comme tous les membres du personnel sur le navire, il connaissait Michèle, elle était efficace et sûre. Il confirma sa compétence.
    — Cette dame est notre responsable du pressing, dit-il en jetant à Michèle un oeil noir. Elle a l’habitude de traiter un linge de luxe, je m’en porte garant.
    Pressée de retrouver sa jupe intacte, Jackie Kennedy suivit Michèle dans l’arrière-boutique sans attendre que les gardes aient eu le temps de vérifier les lieux où se trouvaient déjà Chantal, Béatrice et Sophie. Très contrariés, ils durent patienter.
    Dans le silence de la boutique où ils piétinaient, ils crurent alors entendre le bruit confus d’une conversation, ou plus exactement de ce qui leur parut être un très long monologue. Stupéfaits, ils se demandèrent quel pouvait bien en être le sujet tant ils voyaient mal de quoi une simple employée de pressing pouvait entretenir la Première Dame des États-Unis. Le commandant espérait surtout que Michèle ne l’exaspère pas avec son bavardage invraisemblable.
    Mais quand Jackie Kennedy réapparut, dix interminables minutes plus tard, ils furent totalement rassurés. Elle souriait comme à son habitude de ce sourire un peu figé qu’elle avait toujours, et sa jupe était impeccable. La visite pouvait continuer.

 
    44
    À peine le cortège officiel avait-il passé la porte, que ce fut la ruée dans la boutique. Les filles n’eurent pas le temps de faire le point sur leur entretien avec Jackie Kennedy
    Guidées par des

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