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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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imaginait qu’il devait habiter un temple ou l’une de ces constructions bizarres que l’on trouve dans les campagnes, mais ce fut dans le howda perché sur le dos d’un éléphant qu’il trouva Jay Singh, vêtu d’une sorte de robe de moine brune pourvue d’un capuchon et la tête couverte de son voile bleu. Il n’en portait pas moins des gants en peau de chamois.
    — Le Maître habite là-haut, expliqua-t-il en désignant le fort de Bala Qila. Ainsi il est plus près du ciel et sa protection s’étend sur mon État tout entier…
    Aldo acquiesça d’un sourire. Cette balade pouvait être agréable et c’était la première fois qu’il allait se promener à dos d’éléphant. Balancés au pas mesuré de l’animal, on traversa la ville peuplée d’échines inclinées puis on attaqua le chemin qui escaladait la montagne escarpée, bordée au début d’arbres poussiéreux où s’ébattait une colonie de singes, mais à mesure que l’on montait, il n’y eut plus qu’un désert de pierres, un amoncellement de rochers que délimitait une vieille muraille aux créneaux arrondis percés chacun d’une meurtrière. Le paysage s’élargissait à chaque pas de l’éléphant, creusant au bord du sentier une sorte d’abîme, tandis que l’on approchait le vieux fort et que ses flancs abrupts se faisaient plus rébarbatifs. Le silence l’enveloppait, les bruits de la ville ayant reculé. Et seul, de temps en temps, le vol lourd d’un vautour décrivait au-dessus des pierres antiques des cercles concentriques. Jay Singh ne disait rien. Les mains sur ses genoux écartés, il avait l’air de prier, le souffle de ses lèvres soulevant son voile sans qu’aucun son n’en sortît. Enfin on fut au pied des tours, qui en dépit de la taille du pachyderme paraissaient encore plus hautes que depuis la vallée. Un début d’écroulement ébréchait certaines d’entre elles mais d’autres portaient encore des pavillons de bois ajouré qui avaient dû servir pour le guet. De cette hauteur – plusieurs centaines de mètres au-dessus de la ville – on découvrait alors des kilomètres de remparts s’étendant à perte de vue : la muraille de Chine en plus mince et presque aussi rébarbative.
    — Mes ancêtres s’entendaient à protéger leurs terres, émit Jay Singh, momentanément détourné de sa prière.
    — Je vois. C’est impressionnant.
    Mais déjà on arrivait. Une seule porte, monumentale, commandait l’entrée du fort. Elle s’ouvrit devant l’éléphant avec un grondement sourd et se referma aussitôt. Il y avait là une vaste cour donnant accès à un vieux palais. Il semblait désert, à l’exception de deux serviteurs qui se prosternèrent avant d’échanger quelques phrases avec le maharadjah. Celui-ci ôta son voile bleu.
    — Chandra Nandu, le Maître, nous attend.
    On traversa des salles, des cours, des galeries où demeuraient des vestiges de splendeur : des fresques rehaussées d’or, des plafonds dorés et sculptés, des balcons treillissés, des colonnettes de marbre, mais plus on avançait dans la partie la plus ancienne, le noyau du vieux fort remontant au X e  siècle, tout n’était que sévérité et dépouillement. Enfin, en haut d’une tour, au centre d’une salle ronde et vide, un vieil homme au crâne rasé, vêtu d’une robe semblable à celle portée par le maharadjah, était assis jambes croisées sur un tapis usé. Une jarre d’eau, une écuelle contenant des chappattis étaient posés près de lui, mais Morosini ne put le détailler davantage : déjà Jay Singh, à genoux au bord du tapis, se prosternait après l’avoir obligé à en faire autant.
    — Il peut vous apprendre beaucoup, chuchota-t-il d’un ton pressant, mais il faut lui montrer le respect qu’il est en droit d’attendre car il est sans doute le plus grand saint de toutes les Indes…
    Ensuite, assis en tailleur à quelque distance du vieil homme, un dialogue s’engagea en hindoustani et Aldo en profita pour mieux examiner celui que le maharadjah appelait son Maître. Le visage, entièrement rasé comme le crâne, était d’une surprenante beauté en dépit du réseau serré des rides. Cela tenait sans doute à l’ossature fine et ferme à la fois. Quant au regard profondément enfoncé sous d’épais sourcils blancs, il n’était pas noir mais d’un vert clair évoquant un haut-fond d’océan sous le soleil. La plupart du temps les paupières fripées le voilaient mais, quand

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