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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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homme marié, bien marié même, à la plus adorable créature qui, depuis un an, l’avait pourvu de deux enfants d’un coup, un garçon et une fille, dont il raffolait. Sauf lorsque leur entente, déjà manifeste, ouvrait largement les petites bouches pour un tumultueux concert de protestations : il suffisait que l’un ou l’une se mît à crier pour que l’autre fasse chorus avec enthousiasme. Les séances de fous rires étaient aussi communicatives et presque aussi bruyantes. Enfant unique – tout comme Lisa d’ailleurs ! – Aldo se sentait parfois un peu dépassé par cette paire de chérubins un rien diabolique qui venaient de découvrir la joie de la propulsion autonome et qui, à quatre pattes, parcouraient des distances si prodigieuses à travers le palais paternel qu’il fallait barricader l’accès à l’escalier pour les convaincre de rester à l’étage de la nursery. Quant au rez-de-chaussée où Morosini avait ses bureaux et ses salons d’exposition, il leur était interdit à moins d’être fermement tenus en main par leur mère et Trudi, la vigoureuse Suissesse qui les avait nourris, défaillant d’horreur à l’idée de les voir franchir les quelques marches d’entrée et disparaître dans le canal… En dépit de quoi il n’était personne, maîtres ou serviteurs « in casa Morosini », pour mettre en doute qu’Antonio et Amelia fussent les plus beaux bébés existant en Europe – leur réputation s’étendant déjà à la Suisse où vivait leur grand-père maternel, le banquier Moritz Kledermann, à l’Autriche précédemment nommée, à la France résidence habituelle du parrain et de la marraine d’Antonio – Adalbert Vidal-Pellicorne et Marie-Angéline du Plan-Crépin –, à l’Angleterre où Amelia avait pour marraine la meilleure amie de sa mère, Lady Winfield, et même jusqu’aux Indes où le lieutenant Douglas Mac Intyre, parrain d’Amelia, était en poste à Peshawar.
    Au prix d’un effort, Aldo écarta le tendre et absorbant souvenir de sa petite famille pour se consacrer à son ami Vauxbrun et se laisser conduire, ce soir, au Schéhérazade.
    À présent il s’y trouvait et le regrettait, ne parvenant guère à s’intéresser aux nouvelles amours de Gilles tout en admettant que l’endroit était agréable et la fille qui l’attirait, fort belle : la peau cuivrée, les yeux ardents, elle avait de longs cheveux d’ébène qui tombaient en lourdes tresses brillantes, retenues par des bagues d’or jusqu’à ses seins que l’on devinait libres sous le satin rouge et noir du corsage resserré à la taille, comme la longue jupe ample, par une ceinture d’orfèvrerie. Des bracelets d’or et d’argent tintaient à ses poignets minces, de longs colliers barbares pendaient à son cou et il émanait de son corps svelte bien qu’épanoui une sensualité indéniable. Elle était la plus attirante du groupe – sa famille – composé de six violons, de deux guitares et d’une autre chanteuse. Pas belle celle-là, nettement plus âgée, trop grosse avec une peau luisante, une grande bouche rouge et de petits yeux noirs, pourtant c’était elle la vedette parce qu’elle possédait une voix envoûtante, ample, chaude, un peu rauque à travers laquelle, en dépit de la langue ignorée, passaient toute la magie des routes interminables, des grands espaces balayés par le vent et la passion d’un peuple qui se voulait libre, cachant ses douleurs sous des cris d’orgueil et une dérision sensible aux seuls initiés. À travers leurs chants, les « roms » ne s’adressaient qu’aux roms. Les autres, les « gadgés », n’ayant droit qu’à une ironie subtile dont ils n’avaient pas la moindre idée…
    Pour sa part, Morosini avait admiré en connaisseur la beauté de la jeune Varvara mais seule la grosse chanteuse retint son intérêt. En bon Italien, il était sensible aux belles voix et celle-ci possédait quelque chose d’exceptionnel, de jamais entendu et tant qu’elle chanta Aldo oublia son ennui. Sa chanson terminée, elle alluma une longue cigarette puis alla s’adosser nonchalamment à l’un des piliers et se mit à fumer sans plus accorder d’attention à la salle, le regard perdu dans les volutes bleues qu’exhalait sa bouche.
    Les violons faisaient rage mais c’était maintenant le tour des deux guitaristes et ils se levèrent sans cesser de jouer pour accompagner tout autour de la piste la belle Varvara qui s’était mise à

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