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La Pierre angulaire

La Pierre angulaire

Titel: La Pierre angulaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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dirait : « Dame, je ne veux rien de vous qui m’êtes à la fois amie et ennemie, vie et mort, je ne suis pas digne de vous servir, mais touchez seulement mon cœur de votre pied nu, et mon cœur en sera brûlé comme au fer rouge et je mourrai. Mais si vous ne voulez pas, laissez-moi seulement regarder votre beauté tant que mes yeux en soient brûlés comme par une lumière trop forte, et alors je ne verrai plus rien et je tomberai de cette tour dans le vide. Car je sais que vous n’êtes pas faite pour être l’amie d’aucun homme, vous êtes une fée et votre corps a été formé de perle rose et de rosée du matin, et déposé dans le berceau de votre mère par Morgane. Mongenost sûrement ne vous possède pas mais ne fait que vous garder prisonnière, autrement il serait mort depuis longtemps. Mais moi je veux vous avoir et en mourir, dites-moi seulement par quoi il faut vous mériter. » Et il passait son temps à composer des lettres et des chansons plus délirantes les unes que les autres, mais ne les recopiait jamais sur papier.
LE CŒUR DE FURET
    Six semaines après Noël, Ernaut revint de son voyage à Rome portant dans un coffret scellé sa lettre de dispense ; en apprenant que son frère était prisonnier il s’empressa d’aller lui rendre visite. Haguenier fut si heureux de la joie de son frère qu’il en oublia pour un moment ses propres chagrins.
    Ernaut était à présent très beau malgré son teint noirci par le vent. Il avait même pris une certaine corpulence, ses cheveux paraissaient moins raides et son nez moins large. Pourtant, il avait mené, disait-il, une vie d’enfer pendant quatre mois, et mangé gratis comme les mendiants dans les asiles pour pèlerins pauvres. Mais rien ne comptait, puisqu’il avait enfin ce qu’il voulait. « C’est vous qui serez mon premier garçon d’honneur, disait-il, il oubliait que son frère était marié. Vous irez avec le père pour faire la demande en règle. On verra bien si ce porc osera encore me refuser, quand il verra la lettre du pape. »
    Herbert passa lui-même à Puiseaux, soi-disant pour régler une question d’achat de fourrage. Mais Joceran savait déjà de quoi il s’agissait. Les deux cousins s’installèrent sur un banc près du feu, et Herbert tournait et retournait les bagues sur ses doigts quelque peu amaigris.
    « Vous savez bien de quoi je veux vous parler, beau cousin, dit-il. Chose étrange, Joceran, cousin pauvre et homme de peu de renom, était le seul homme devant lequel il pût se sentir embarrassé.
    — Oui, je crois bien que je le sais, cousin, mais vous savez aussi mon avis là-dessus.
    — Écoutez, dit Herbert, après la mort de ma mère Ernaut sera maître de Bernon, et je lui laisse aussi en fief la tour de Seuroi. Pour son mariage je lui donne vingt marcs en argent comptant, dont il fera présent à sa femme sur le parvis de l’église. Ernaut est brave et a bonne renommée. Et moi-même je ne suis pas un homme à dédaigner.
    — Le pape lui-même ne peut faire qu’un péché ne soit plus un péché, voilà ce que je vous dirai, répondit Joceran en se mordillant la joue. Un inceste est toujours un inceste. Je ne veux pas me damner ni damner ma fille.
    — Beau cousin, vous savez bien que votre père et ma mère n’étaient pas du même lit ; nous n’avons qu’un aïeul en commun. » Il se mit à compter sur ses doigts. « Quand on n’a qu’un ascendant commun sur quatorze, on ne parle plus d’inceste.
    — Si vous voulez, cousin, si vous voulez. Mais dispense n’est pas ordre. Je ne voudrais pas non plus forcer ma fille.
    — Est-ce qu’une fille sait ce qu’elle veut ? Et où trouverait-elle un meilleur mari ? Il l’aime depuis dix ans, c’est dire qu’il ne changera pas. En mariage c’est ça qui compte, cousin. »
    Joceran ne répondait rien et regardait le feu d’un air dur. Puis il se tourna vers Herbert : « Une fois pour toutes, beau cousin, vous êtes plus riche et plus fort que moi, vous êtes plus ou moins maître sur mes terres, vous ne l’êtes pas dans ma famille.
    — Vous savez bien, dit Herbert, que je vous ai toujours respecté, comme l’aîné de la race. Je ne fais que vous demander cela en ami, je ne vous force pas. »
    Joceran eut un sourire mauvais qui voulait dire : « Il ne manquerait plus que ça. » Herbert poursuivit : « Beau cousin, dites-moi ce que vous voulez. Je ne serai pas ingrat. Votre fils sera mon premier écuyer, je le

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