La Prison d'Édimbourg
ici ! »
Anonyme.
Les jurés restèrent une heure à délibérer. En rentrant dans la salle d’audience, ils la traversèrent à pas lents, comme des hommes chargés d’une terrible responsabilité, et qui avaient à s’acquitter d’un devoir douloureux. Un silence profond, grave et solennel régna dans l’auditoire.
– Avez-vous choisi votre chancelier ? Ce fut la première question du juge.
Le foreman (ou chef du jury), qu’on nomme en Écosse le chancelier du jury, s’avança vers le président, et après l’avoir salué respectueusement, lui remit un papier cacheté contenant la déclaration du jury. Les jurés restèrent debout tandis que le président ouvrit le paquet, lut à voix basse la déclaration, et la remit, d’un air de gravité mélancolique, au greffier de la cour, pour qu’il la transcrivît sur les registres. Il restait une dernière forme à remplir, forme peu importante en elle-même, mais qui fait impression sur l’esprit, attendu les circonstances dans lesquelles on l’emploie. Une bougie allumée fut placée sur le bureau, et lorsque la déclaration eut été transcrite, on la remit sous enveloppe, le président la scella de son cachet pour qu’on la déposât ensuite aux archives, suivant l’usage. Comme toutes ces formalités s’accomplissent en silence, l’action d’éteindre la bougie semble faire préjuger aux spectateurs qu’ainsi s’éteindra bientôt la vie de l’infortuné qui va être condamné. C’est le même sentiment qu’on éprouve en Angleterre quand on voit le juge se couvrir de sa toque fatale {76} . Le président ordonna alors à Euphémie Deans d’écouter la lecture du verdict du jury.
Après les premiers mots du protocole obligé, le verdict disait que le jury ayant fait choix de John Kirk pour chancelier, et de Thomas Moore pour secrétaire, avait, à la pluralité des voix, trouvé Euphémie Deans COUPABLE du crime dont elle était accusée, mais qu’attendu sa grande jeunesse et les circonstances de l’affaire, il suppliait la cour à l’unanimité de la recommander à la clémence du roi.
– Messieurs, dit le président, vous avez fait votre devoir, un devoir pénible pour des hommes pleins d’humanité comme vous. Je ne manquerai pas de transmettre votre recommandation au pied du trône ; mais je dois vous prévenir que je n’ai pas le plus léger espoir que la grâce de la coupable soit accordée. Vous savez que ce crime s’est multiplié en ce pays, et il n’y a nul doute qu’on ne veuille en prévenir la répétition par un exemple de sévérité. Les jurés répondirent par un salut respectueux, et, délivrés de leurs pénibles fonctions, se dispersèrent dans la foule des spectateurs.
La cour demanda ensuite à Fairbrother s’il avait à faire quelque observation. Celui-ci avait examiné avec grand soin la déclaration du jury ; mais elle était dans toutes les formes, et il fut obligé d’avouer tristement qu’il n’avait rien à dire.
Le président alors s’adressa de nouveau à la prisonnière, et lui dit : – Euphémie Deans, écoutez la sentence de la cour qui va être prononcée contre vous.
Elle se leva d’un air qui annonçait plus de calme et de résolution qu’elle n’en avait montré jusqu’alors, et surtout au commencement de la séance. Il en est des souffrances de l’âme comme de celles du corps : les premiers coups sont toujours les plus difficiles à supporter, et occasionent une sorte d’apathie qui rend presque insensible à ceux qui les suivent : Mandrin le disait en subissant le supplice de la roue, et tous ceux qui ont éprouvé des malheurs continuels et successifs ont fait la même expérience.
– Jeune femme, dit le président, c’est un devoir pénible pour moi de vous annoncer que votre vie est condamnée par une loi sévère jusqu’à un certain point, mais nécessaire pour faire connaître à celles qui peuvent se trouver dans la situation où vous avez été, quel risque elles courent en cachant par une fausse honte la faute dont elles se sont rendues coupables. En refusant de découvrir la vôtre à votre sœur, à votre maîtresse, aux autres personnes de votre sexe qui s’en étaient aperçues, et dont votre bonne conduite antérieure vous aurait mérité la compassion, vous avez contrevenu à la loi qui vous condamne, et vous vous êtes rendue coupable tout au moins de l’oubli des précautions nécessaires pour assurer la vie de l’être auquel vous deviez
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