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La Ronde De Nuit

La Ronde De Nuit

Titel: La Ronde De Nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Modiano
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qu’on appelle « La Princesse de Lamballe ».
    Le disque s’est arrêté. Ils se répandent sur les divans, les poufs, les bergères. Méthode débouche un flacon de cognac. Les frères Chapochnikoff quittent la pièce et réapparaissent, avec des plateaux chargés de verres. Lussatz les remplit à ras bord. « Trinquons, chers amis, propose Hayakawa. — À la santé du Khédive, s’écrie Costachesco. — À celle de l’inspecteur Philibert, déclare Mickey de Voisins. — Un toast pour Madame de Pompadour ». glapit la baronne Lydia Stahl. Leurs verres s’entrechoquent. Ils boivent d’un seul trait.
    — L’adresse de Lamballe, murmure le Khédive. Sois gentil, mon chéri. Donne-nous l’adresse de Lamballe.
    — Tu sais très bien que nous sommes les plus forts, mon chéri, chuchote Monsieur Philibert.
    Les autres tiennent un conciliabule à voix basse. La lumière des lustres faiblit, oscille entre le bleu et le violet foncé. On ne distingue plus les visages. — L’hôtel Blitz est de plus en plus tatillon. — Ne vous inquiétez pas. Tant que je serai là, vous aurez le blanc-seing de l’ambassade. — Un mot du comte Grafkreuz, mon cher, et le Blitz ferme définitivement les yeux. — J’interviendrai auprès d’Otto. — Je suis une amie intime du docteur Best. Voulez-vous que je lui en parle ? — Un coup de téléphone à Delfanne et tout s’arrange. — Il faut être dur avec nos démarcheurs, sinon ils en profitent. — Pas de quartier !
    — D’autant plus que nous les couvrons !
    — Ils devraient nous en savoir gré. — C’est à nous qu’on viendra demander des comptes, pas à eux. — Ils s’en tireront, vous verrez ! Alors que nous… ! — Nous n’avons pas dit notre dernier mot. — Les nouvelles du front sont excellentes. EXCELLENTES  !
    — Henri veut l’adresse de Lamballe, répète Monsieur Philibert. Un effort, mon petit.
    — Je comprends parfaitement vos réticences, dit le Khédive. Voici ce que je vous propose : vous allez d’abord nous indiquer les endroits où l’on peut arrêter cette nuit tous les membres du réseau.
    — Une simple mise en train, ajoute Monsieur Philibert. Ensuite vous aurez beaucoup plus de facilités à nous cracher l’adresse de Lamballe.
    — Le coup de filet est pour cette nuit, murmure le Khédive. Nous vous écoutons, mon enfant.
    Un carnet jaune acheté rue Réaumur. Vous êtes étudiant ? a demandé la marchande. (On s’intéresse aux jeunes gens. L’avenir leur appartient, on voudrait connaître leurs projets, on les submerge de questions.) Il faudrait une torche électrique pour retrouver la page. On ne voit rien dans cette pénombre. On feuillette le carnet, nez collé au papier. La première adresse est écrite en lettres capitales : celle du lieutenant, le chef du réseau. On s’efforce d’oublier ses veux bleu-noir et la voix chaude avec laquelle il disait : « Ça va, mon petit ? » On voudrait que le lieutenant ait tous les vices, qu’il soit mesquin, prétentieux, faux jeton. Cela faciliterait les choses. Mais on ne trouve pas une poussière dans l’eau de ce diamant. En dernier recours, on pense aux oreilles du lieutenant. Il suffit que l’on considère ce cartilage pour éprouver une irrésistible envie de vomir. Comment les humains peuvent-ils posséder d’aussi monstrueuses excroissances ? On imagine les oreilles du lieutenant, là, sur le bureau, plus grandes que nature, écarlates, et sillonnées de veines. Alors on indique d’une voix précipitée l’endroit où il se trouvera cette nuit : place du Châtelet. Ensuite ça va tout seul. On donne une dizaine de noms et d’adresses sans même consulter le carnet. On prend le ton du bon élève qui récite une fable de La Fontaine.
    — Beau coup de filet en perspective, dit le Khédive.
    Il allume une cigarette, pointe du nez vers le plafond et fait des ronds de fumée. Monsieur Philibert s’est assis devant le bureau et feuillette le carnet. Il vérifie sans doute les adresses.
    Les autres continuent de parler entre eux. — Et si l’on dansait encore ? J’ai des fourmis dans les jambes. — De la musique douce, il nous faut de la musique douce ! — Que chacun dise sa préférence ! une rumba ! —  Serenata ritmica ! - So stell ich mir die Liebe vor ! — Coco Seco ! — Whatever Lola wants ! — Guapo Fantoma ! — No me dejes de querer ! —  Et si l’on jouait à Hide and Seek ? Ils

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