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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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bonheur. D'une part, ces audacieuses se moquaient de lui. Et, d'autre part, son succès près de la Cadière s'était démenti. A peine rentrée dans le sombre Toulon, dans son étroite ruelle de l'Hôpital, elle était retombée. Elle était précisément dans les milieux dangereux et sinistres où commença sa maladie, au champ même de la bataille que se livraient les deux partis. Les jésuites, à qui chacun voyait la cour pour arrière-garde, avaient pour eux les politiques, les prudents, les sages . le canne n'avait que l'évêque, n'était pas même soutenu de ses confrères, ni des curés. Il se ménagea une arme. le 8 novembre, il tira de la Cadière une autorisation écrite de révéler au besoin sa confession.
    Acte audacieux, intrépide, qui fit frémir Girard. Il n'avait pas grand courage, et il eût été perdu, si sa cause n'eût été celle des jésuites. Il se blottit au fond de leur maison. Mais son collègue Sabatier, vieillard sanguin, colérique, alla droit à l'évêché. Il entra chez le prélat, portant comme Popilius, dans sa robe, la paix ou la guerre. Il le mit au pied du mur, lui fit comprendre qu'un procès avec les jésuites, c'était pour le perdre à jamais lui-même, qu'il resterait évêque de Toulon à perpétuité, ne serait jamais archevêque. Bien plus, avec la liberté d'un apôtre fort à Versailles, il lui dit que si cette affaire révélait les mœurs d'un jésuite, elle n'éclairerait pas moins les mœurs d'un évêque. Une lettre, visiblement combinée par Girard (p. 334), ferait croire que les jésuites se tenaient prêts en dessous à lancer contre le prélat de terribles récriminations, déclarant sa vie, « non seulement indigne de l'épiscopat, mais abominable  ». Le perfide et sournois Girard, le Sabatier apoplectique, gonflé de rage et de venin, auraient poussé la calomnie. Ils n'auraient pas manqué de dire que tout cela se faisait pour une fille, que si Girard l'avait soignée malade, l'évêque l'avait eue bien portante. Quel trouble qu'un tel scandale dans la vie si bien arrangée de ce grand seigneur mondain ! C'eût été une chevalerie trop comique de faire la guerre pour venger la virginité d'une petite folle infirme, et de se brouiller pour elle avec tous les honnêtes gens ! Le cardinal de Bronzi mourut de chagrin à Toulouse, mais au moins pour une belle dame, la noble marquise de Ganges. Ici l'évêque risquait de se perdre, d'être écrasé sous la honte et le ridicule, pour cette fille d'un revendeur de la rue de l'Hôpital !
    Ces menaces de Sabatier firent d'autant plus d'impression que déjà l'évêque de lui-même tenait moins à la Cadière. Il ne lui savait pas bon gré d'être redevenue malade, d'avoir démenti son succès, de lui donner tort par sa rechute. Il lui en voulait de n'être pas guérie. Il se dit que Sabatier avait raison, qu'il serait bien bon de se compromettre. Le changement fut subit. Ce fut comme un coup de la Grâce. Il vit tout à coup la lumière, comme saint Paul au chemin de Damas, et se convertit aux jésuites.
    Sabatier ne le lâcha pas. Il lui présenta du papier, et lui fit écrire, signer l'interdiction du carme, son agent près de la Cadière ; plus, celle de son frère le jacobin (10 novembre 1730).
    34. C'était l'usage des reîtres, des soldats du Nord, de se faire frères par la communion du sang. (V. mes Origines du droit .)

XII
    Le procès de la Cadière, 1730-1731
    On peut juger ce que fut ce coup épouvantable pour la famille Cadière. Les attaques de la malade devinrent fréquentes et terribles. Chose cruelle, ce fut comme une épidémie chez ses intimes amies. Sa voisine, la dame Allemand, qui avait aussi des extases, mais qui jusque-là les croyait de Dieu, tomba en effroi et sentit l'enfer. Cette bonne dame (de cinquante ans) se souvint qu'en effet elle avait eu souvent des pensées impures ; elle se crut livrée au Diable, ne vit que diables chez elle, et, quoique gardée par sa fille, elle se sauva du logis, demanda asile aux Cadière. La maison devint dès lors inhabitable, le commerce impossible. L'aîné Cadière, furieux, invectivait contre Girard, criait : « Ce sera Gauffridi... Lui aussi, il sera brûlé ! » Et le jacobin ajoutait : « Nous y mangerions plutôt tout le bien de la famille. »
    Dans la nuit du 17 au 18 novembre, la Cadière hurla, étouffa. On crut qu'elle allait mourir. L'aîné Cadière, le marchand, qui perdait la tête, appela par les fenêtres, criant

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