Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
Vom Netzwerk:
de Dieu, des plus hauts mystères. Le carme était stupéfait, se demandait si le Diable pouvait si bien louer Dieu.
    Son innocence était visible. Elle semblait bonne fille, obéissante, douce comme un agneau, folâtre comme un jeune chien. Elle voulut jouer aux boules (jeu ordinaire dans les bastides), et il ne refusa pas de jouer aussi.
    Si un esprit était en elle, on ne pouvait dire du moins que ce fût un esprit de mensonge. En l'observant de près, longtemps, on n'en pouvait douter, ses plaies réellement saignaient par moments. Il se garda bien d'en faire, comme Girard, d'impudiques vérifications. Il se contenta de voir celle du pied. Il ne vit que trop ses extases. Une vive chaleur lui prenait tout à coup au cœur, circulait partout. Elle ne se connaissait plus, entrait dans des convulsions, disait des choses insensées.
    Le carme comprit très-bien qu'en elle il y avait deux personnes, la jeune fille et le démon. La première était honnête, et même très-neuve de cœur, ignorante, quoi qu'on lui eût fait, comprenant peu les choses même qui l'avaient si fort troublée. Avant sa confession, quand elle parla des baisers de Girard, le carme lui dit rudement : « Ce sont de très-grands péchés. — O mon Dieu ! dit-elle en pleurant, je suis donc perdue, car il m'a fait bien d'autres choses. »
    L'évêque venait la voir. La bastide était pour lui un but de promenade. A ses interrogations, elle répondit naïvement, dit au moins le commencement. L'évêque fut bien en colère, mortifié, indigné. Sans doute il devina le reste. Il ne tint à rien qu'il ne fît un grand éclat contre Girard. Sans regarder au danger d'une lutte avec les jésuites, il entra tout à fait dans les idées du carme, admit qu'elle était ensorcelée, donc que Girard était sorcier . Il voulait à l'instant même l'interdire solennellement, le perdre, le déshonorer. La Cadière pria pour celui qui lui avait fait tant de tort, ne voulut pas être vengée. Elle se mit à genoux devant l'évêque, le conjura de l'épargner, de ne point parler de ces tristes choses. Avec une touchante humilité, elle dit : « Il me suffit d'être éclairée maintenant, de savoir que j'étais dans le péché » (p. 127). Son frère le jacobin se joignit à elle, prévoyant tous les dangers d'une telle guerre et doutant que l'évêque y fût bien ferme.
    Elle avait moins d'agitation. La saison avait changé. L'été brûlant était fini. La nature enfin faisait grâce. C'était l'aimable mois d'octobre. L'évêque eut la vive jouissance qu'elle fût délivrée par lui. La jeune fille, n'étant plus dans l'étouffement d'Ollioules, sans rapport avec Girard, bien gardée par sa famille, par l'honnête et brave moine, enfin sous la protection de l'évêque, qui plaignait peu ses démarches et la couvrait de sa constante protection, elle devint tout à fait calme. Comme l'herbe qui en octobre revient par de petites pluies, elle se releva, refleurit.
    Pendant sept semaines environ, elle paraissait fort sage. L'évêque en fut si ravi qu'il eût voulu que le carme, aidé de la Cadière, agît auprès des autres pénitentes de Girard, les ramenât à la raison. Elles durent venir à la bastide ; on peut juger combien à contre-cœur et de mauvaise grâce. En réalité, il y avait une étrange inconvenance à faire comparaître ces femmes devant la protégée de l'évêque, si jeune et à peine remise de son délire extatique.
    La situation se trouva aigrie, ridicule. Il y eut deux partis en présence, les femmes de Girard, celles de l'évêque. Du côté de celui-ci, la dame Allemand et sa fille, attachées à la Cadière. De l'autre côté, les rebelles, la Guiol en tête. L'évêque négocia avec celle-ci pour obtenir qu'elle entrât en rapport avec le carme et lui menât ses amies. Il lui envoya son greffier, puis un procureur, ancien amant de la Guiol. Tout cela n'opérant pas, l'évêque prit le dernier parti, ce fut de les convoquer toutes à l'évêché. Là, elles nièrent généralement ces extases, ces stigmates, dont elles s'étaient vantées. L'une, sans doute la Guiol, effrontée et malicieuse, l'étonna bien plus, encore en lui offrant de montrer sur-le-champ qu'elles n'avaient rien sur tout le corps. On l'avait cru assez léger pour tomber dans ce piège. Mais il le démêla fort bien, refusa, remercia celles qui, aux dépens de leur pudeur, lui eussent fait imiter Girard, et fait rire toute la ville.
    L'évêque n'avait pas de

Weitere Kostenlose Bücher