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L'affaire Nicolas le Floch

Titel: L'affaire Nicolas le Floch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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repères pour suivre, en pataugeant, une ligne à peu près droite vers le guichet du Pont-Tournant. Au bout du chemin, il buta sur la grande levée de la statue de César par Coustou. Le bassin octogonal lui faisait face, ses eaux luisant faiblement dans l'obscurité. Il devait obliquer vers la droite pour rejoindre le passage de l'Orangerie et gagner le Théâtre-Français. Celui-ci avait longtemps présenté ses spectacles au jeu de paume de l'Étoile, rue des Fossés-Saint-Germain. En 1770, l'édifice menaçant ruine et l'Opéra reconstruit au Palais-Royal laissant vacante aux Tuileries la salle des machines de Servandoni, il vint s'établir dans cette salle. Nicolas partageait l'avis de nombreux critiques qui jugeaient la disposition de ce théâtre provisoire mal appropriée à son objet.
    Le spectacle allait commencer. On le salua au contrôle comme un vieil habitué. Il s'y trouvait les jours de permanence ou en cas de présence dans la salle de membres de la famille royale ou de souverains étrangers incognito. Dans le foyer, son attention fut attirée par un groupe animé que le vieux Chorrey, son collègue et sous-doyen de la compagnie, dominait de sa haute taille. Il s'approcha. Un homme au visage terreux en veste de serge élimée était tenu serré par deux gardes-françaises tandis que le policier le fouillait. Il extirpait au fur et à mesure ses trouvailles et les déposait sur le marbre d'une console en balustre.
    — Et on se dit innocent, hein ! Mais c'est une vraie boutique de receleur du Temple que ce cagnard-là ! Tiens, voilà Le Floch ! Vous tombez à pic, mon ami. Pourtant, vous n'êtes pas de permanence ? Me serais-je trompé au tableau ?
    — Que non pas, mon cher. Je suis là en chaland.
    — Eh bien, vous allez en avoir pour votre argent ! Ce maroufle a les poches pleines. Deux montres en or, une en bronze, un double louis Barbette, six guinées anglaises, et puis cela encore...
    Il approcha des pièces de son visage.
    — Trois ducats de Berne, un ducaton de Venise, quelques vieux écus de France. Faut croire que toute l'Europe s'est donné rendez-vous pour admirer la Raucourt, ce soir. En tout cas, toi tu es bon pour la chaîne.
    L'homme tremblait, comme saisi de fièvre.
    — Trouvez-moi le lieutenant des gardes, dit Chorrey à un garçon du théâtre, et secouez-vous.
    Nicolas s'étonna qu'un vieux policier ayant à son actif plus de quarante années de service ne fasse pas la différence entre un lieutenant des gardes, c'est-à-dire des gardes du corps, et un lieutenant aux gardes, à savoir un officier des gardes-françaises. Il se reprocha aussitôt son jugement, comprenant que son collègue ne possédait pas, comme lui, l'usage de la Cour et de ses finesses. Le lieutenant apparut, l'air arrogant ; il écouta avec une moue crispée les recommandations du commissaire d'avoir à prendre en charge le coupable et de prévenir le guet de venir le quérir pour le conduire au Châtelet. Chorrey tourna brusquement le dos à l'officier et entraîna Nicolas dans la salle.
    — Ce demi-sel m'exaspère ; sa naissance l'empêche sans doute d'être poli. C'est-y pas malheureux d'avoir à subir les avanies d'un emplumé de boudoir !
    Ils prirent place dans une loge du côté gauche, avec vue sur l'ensemble de la salle dont la disposition étrange rappelait la destination d'origine. Dans un bruissement d'étoffe et des raclements de plancher, elle s'emplissait peu à peu dans la pénombre.
    — Tiens, le prince de Conti est encore là. Quel vieux coquin ! Il en tient pour la nouvelle. Elle manque à sa collection !
    — Eh ! Les filles mineures des théâtres royaux sont du gibier facile, dit Nicolas. Elles jouissent, comme vous le savez, d'un privilège très particulier. Elles échappent à la puissance paternelle et ceux de nos beaux qui les entretiennent sont exempts de toute poursuite.
    — À qui le dites-vous ! Je ne compte plus celles que j'ai vues débuter ainsi et finir en crapule. Pour le moment, son air de décence et sa réputation de sagesse la font rechercher par les plus grandes dames qui la couvrent de bijoux et de vêtements, trop heureuses sans doute de ne pas déceler dans cette espèce rare une nouvelle rivale. Le vieux père est d'ailleurs toujours là, qui veille au grain. Cela durera-t-il ? Attendons le cinquième acte. Enfin, c'est un vrai prodige, propre à faire crever de dépit ses concurrentes les plus consommées.
    — Il est vrai, reprit

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