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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Déclarations, Chartes, Actes additionnels, Constitutions ont tour à tour régenté la vie publique.
    On a débattu, en 1789, dans les villages des cahiers de doléances, on a voté pour celui-ci ou pour celui-là, on a disposé du droit de vote, puis on l'a perdu, et on en a de nouveau bénéficié.
    Le Français, si éprouvé par les changements politiques, est devenu prudent, attentiste.
    Puisque la monarchie millénaire de droit divin s'est effondrée et que Louis XVI a été décapité, lui qui avait été sacré à Reims, qui peut croire qu'en ce bas monde un régime politique soit promis à la longue durée ?
    Le sacre par le pape de Napoléon I er n'a pas empêché l'Empereur d'être vaincu et de mourir en exil à Sainte-Hélène.
    Et Charles X n'a pas durablement bénéficié de la protection divine, bien qu'il eût été lui aussi sacré à Reims.
    Comment imaginer dès lors que ce Louis Napoléon Bonaparte, même devenu Napoléon III, puisse régner plus longtemps que son oncle Napoléon I er  ?
    Nul ne peut le concevoir.

    On observe. On ne commente pas : trop d'argousins, trop de mouchards, trop de gendarmes. Trop de risques à prendre parti pour un régime dont on comprend bien qu'il est fragile, comme tous les régimes, et que viendra son tour de chanceler, de se briser.
    Telle est alors l'âme de la France, qui, en soixante années, a subi tant de pouvoirs, entendu tant de discours, qu'elle baisse la tête et fait mine de se désintéresser des affaires publiques que gèrent ces messieurs les intelligents, les notables.
    Or ceux-ci, précisément, ne croient guère à la longévité du second Empire.
    Guizot, qui exprime la pensée des milieux de la bourgeoisie libérale, déclare : « Les soldats et les paysans ne suffisent pas pour gouverner. Il y faut le concours des classes supérieures, qui sont naturellement gouvernantes. »
    Tocqueville est tout aussi réservé sur l'avenir du régime quand il écrit en 1852 :
    « Quant à moi qui ai toujours craint que toute cette longue révolution française ne finît par aboutir à un compromis entre l'égalité et le despotisme, je ne puis croire que le moment soit encore venu où nous devrions voir se réaliser définitivement ces prévisions, et, en somme, ceci a plutôt l'air d'une aventure qui se continue que d'un gouvernement qui se fonde. »
    Il n'empêche : l'« aventurier » Louis Napoléon, entouré d'habiles et intelligents complices – dont Morny, son demi-frère –, va régner de 1852 à 1870, soit sept ans de plus que Napoléon I er , sacré en 1804 et définitivement vaincu en 1815 !
    Cette longue durée du second Empire et les transformations qui la caractérisent vont servir de socle à la fin du xix e  siècle et aux premières décennies du xx e .

    Le second Empire dit « autoritaire » est ainsi, durant quinze années – de 1852 à 1867 –, le moule dans lequel l'âme de la France prend sa forme contemporaine.
    L'État centralisé – répressif, policier même – organise et régente la vie départementale, sélectionne les candidats aux élections.
    Ces « candidatures » officielles bénéficient de tout l'appareil de l'État.
    Le préfet devient pour de bon la clé de voûte de la vie locale sous tous ses aspects. Il fait régner l'« ordre » politique et moral. Il est le lien entre le pouvoir central – impérial – et toutes les strates de la bourgeoisie : celle qui vit de ses rentes, de la perception de ses fermages ; celle qui est, d'une certaine façon, l'héritière des « robins » : avocats, médecins et apothicaires, notaires, parfois tentée par un rôle politique, mais prudente et surveillée.
    L'Empire n'aime pas les esprits forts, les libres penseurs.
    D'ailleurs, aux côtés du préfet, l'évêque est, avec le général commandant la place militaire, le personnage principal. Il a la haute main sur l'enseignement, entièrement livré à l'Église. Les ordres religieux – au premier rang desquels les Jésuites – ont été à nouveau autorisés.
    L'Empire est clérical.
    La police et les confesseurs veillent aux bonnes mœurs.
    Le réalisme de certains peintres (Manet, Courbet) est suspect. Madame Bovary , Les Fleurs du mal , sont condamnées par les tribunaux.
    Les journaux sont soumis à l'autorisation préalable.
    Un « homme de lettres » qui est perçu comme un opposant, un rebelle – ainsi Jules Vallès –, est réduit à la misère, voire à la faim. Il

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