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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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en août 1944.

3
    L'IMPUISSANCE RÉPUBLICAINE
    1944-1958
    64.
    Combien de temps ceux qui parlent au nom de la France – de Gaulle, les représentants des partis politiques et des mouvements de résistance – resteront-ils unis ?
    Dès août 1944, le regard qu'ils portent sur les « années noires » les oppose déjà.
    Chacun veut s'approprier la gloire et l'héroïsme de la Résistance, masquer ainsi ses calculs, ses ambiguïtés, ses lâchetés et même ses trahisons.

    Les communistes du PCF font silence sur la période août 1939-22 juin 1941, quand ils essayaient d'obtenir des autorités d'occupation le droit de faire reparaître leur journal L'Humanité . N'étaient-ils pas alors les fidèles servants de l'URSS, partenaire des nazis ?
    En 1944-1945, alors que la guerre continue (Strasbourg sera libéré le 23 novembre 1944, les troupes de Leclerc entrent à Berchtesgaden le 4 mai 1945, la capitulation allemande intervient le 8 mai et le général de Lattre de Tassigny est présent aux côtés des Américains, des Russes et des Anglais : victoire diplomatique à forte charge symbolique), les communistes se proclament le « parti des fusillés » – 75 000 héros de la Résistance, précise Maurice Thorez, déserteur rentré amnistié de Moscou et bientôt ministre d'État.
    Le tribunal de Nuremberg dénombrera 30 000 exécutés.

    Ce qui se joue, c'est la place des forces politiques dans la France qui recouvre son indépendance. Le comportement des hommes et des partis durant l'Occupation sert de discriminant. On réclame l'épuration et la condamnation des traîtres, des « collabos », avec d'autant plus d'acharnement qu'on ne s'est soi-même engagé dans la Résistance que tardivement.
    La magistrature, qui a tout entière – à un juge près ! – prêté serment à Pétain et poursuivi les résistants, condamne maintenant les « collabos ».
    On fusille (Laval), on commue la peine de mort de Pétain en prison à vie. Il y a, durant quelques semaines, l'esquisse d'une justice populaire, expéditive, comme l'écho très atténué des jours de violence qui marquèrent jadis les guerres de Religion ou la Révolution, qui tachent de sang l'histoire nationale. Les passions françaises resurgissent.
    En 1944, vingt mille femmes, dénoncées, accusées de complaisances envers l'ennemi, sont tondues, promenées nues, insultées, battues, maculées.
    Des miliciens et des « collabos » sont fusillés sans jugement. On dénombre peut-être dix mille victimes de ces exécutions sommaires.
    Dans le milieu littéraire, le Comité national des écrivains met à l'index, épure, sous la houlette d'Aragon.
    Robert Brasillach est condamné à mort et de Gaulle refuse de le gracier malgré les appels à la clémence de François Mauriac.
    Drieu la Rochelle se suicidera, prenant acte de la défaite de ses idées, de l'échec de ses engagements.
    Jean Paulhan – un résistant – critiquera, dans sa Lettre aux directeurs de la Résistance , ces communistes devenus épurateurs, qui n'étaient que des « collaborateurs » d'une espèce différente : « Ils avaient fait choix d'une autre collaboration. Ils ne voulaient pas du tout s'entendre avec l'Allemagne, non, ils voulaient s'entendre avec la Russie. »

    C'est bien la question de la Russie soviétique et des communistes qui, en fait, domine la scène française.
    Ceux-ci représentent en 1945 près de 27 % des voix, et vont encore progresser.
    Avec les socialistes (SFIO) – 24 % des voix –, ils disposent de la majorité absolue à l'Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945.
    Mais les socialistes préfèrent associer au gouvernement le Mouvement républicain populaire (MRP, 25,6 % des voix), issu de la Résistance et d'inspiration démocrate-chrétienne.
    Ainsi se met en place un « gouvernement des partis » : d'abord tripartisme (MRP, SFIO, PCF) puis « Troisième Force » quand le PCF sera écarté du pouvoir à partir de 1947.

    En 1944-1945, c'est encore l'union, mais déjà pleine de tensions.
    De la résistance victorieuse, passera-t-on à la révolution ?
    En août 1944, un Albert Camus le souhaitera. Mais la révolution, est-ce abandonner le pouvoir aux mains des communistes ?
    Le risque existe : des milices patriotiques en armes, contrôlées par ces derniers, sont présentes dans de nombreux départements.
    Le Front national, le Mouvement de libération nationale, sont des « organisations de masse »

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