L'âme de la France
assurera, face aux Alliés, la représentativité et la prééminence du Général, adoubé par toutes les forces françaises combattantes, qu'elles soient à l'intérieur ou à l'extérieur de la France.
Mais, à la fin de 1942, si l'Allemagne engagée dans la bataille de Stalingrad a potentiellement perdu la guerre, rien n'est joué pour la France.
Réussira-t-elle à recouvrer sa souveraineté et son indépendance, donc sa puissance, sa place en Europe et dans le monde ?
Tel a été, dès juillet 1940, le projet de De Gaulle, qui s'est fixé pour objectif de faire asseoir la France « à la table des vainqueurs ».
Mais les États-Unis de Roosevelt ne le souhaitent pas.
De Gaulle est pour eux un personnage incontrôlable, parce que trop indépendant. Or, selon leurs plans, la France cesse d'être une grande puissance. Ils envisagent même de la démembrer et de lui arracher son empire colonial.
Ils n'ont pas même prévenu de Gaulle de leur débarquement en Afrique du Nord française, le 8 novembre 1942.
Ils veulent l'éliminer de l'avenir politique français.
Une nouvelle partie décisive vient de s'engager pour de Gaulle, et donc pour la France.
63.
En ce début du mois de novembre 1942, alors que les barges de débarquement américaines s'approchent des côtes de l'Algérie et du Maroc, le sort de la France est sur le fil du rasoir.
Quel sera son régime alors que la victoire des Alliés sur l'Allemagne est annoncée, même si personne ne peut encore savoir quand elle interviendra ?
Cette incertitude planant sur l'avenir de la nation ne sera pas levée avant le mois d'août 1944, quand Paris prendra les armes, dressera ses barricades, retrouvant le fil de l'histoire, associant les élans et les formes révolutionnaires à l'insurrection nationale.
Mais, jusque-là, tout demeure possible.
La donne internationale change.
Les États-Unis ont pris le pas sur le Royaume-Uni, Roosevelt, sur Churchill.
« De Gaulle est peut-être un honnête homme, écrira le 8 mai 1943 le président des États-Unis au Premier ministre britannique, mais il est en proie au complexe messianique... Je ne sais qu'en faire. Peut-être voudriez-vous le nommer gouverneur de Madagascar ? »
En fait, c'est aux rapports de forces en Europe que pensent Roosevelt et Churchill, et, au fur et à mesure que la menace nazie s'affaiblit – bientôt, on le sait, elle disparaîtra –, au danger croissant que représente l'URSS.
La confrontation avec le communisme a été cachée sous la grande alliance contre l'Allemagne. Mieux valait s'allier avec Staline que se soumettre à Hitler. Mais l'opposition entre les démocraties et l'Union soviétique refait surface et commence même à envahir les esprits à la fin de 1942.
Dans cette perspective, peut-on faire confiance à de Gaulle ?
L'URSS a été parmi les premiers États à reconnaître la France libre.
De plus, le Parti communiste français et ses Francs-tireurs et partisans (FTP), ou encore la Main-d'œuvre immigrée (MOI), auteur des attentats les plus spectaculaires, jouent un rôle majeur dans la Résistance intérieure que de Gaulle entend rassembler autour de lui.
L'ancien préfet Jean Moulin, qu'il a chargé de cette tâche, est soupçonné par certains d'être un agent communiste.
Plus fondamentalement, il y a la tradition française d'alliance avec la Russie comme moyen d'accroître le poids de la France en Europe. Or cela n'apparaît souhaitable ni aux Américains ni aux Anglais.
Dès lors, ce qui s'esquisse en novembre 1942 – puis tout au long de l'année 1943 –, c'est une politique qui favoriserait le passage du gouvernement de Vichy de la collaboration avec l'Allemagne à l'acceptation du tutorat américain.
La continuité de l'État serait ainsi assurée, écartant les risques de troubles, de prise du pouvoir par les communistes et/ou de Gaulle.
Cette politique se met en place à l'occasion du débarquement américain en Afrique du Nord.
L'amiral Darlan – qui, en 1941, a ouvert aux Allemands les aéroports de Syrie, et qui est le numéro un du gouvernement après le renvoi de Laval – se trouve à Alger.
Les Américains le reconnaissent comme président, chef du Comité impérial français : mutation réussie d'un « collaborateur » de haut rang en rallié aux Américains.
« Ce qui se passe en Afrique du Nord du fait de Roosevelt est une ignominie, dira de Gaulle. L'effet sur la Résistance en France est
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