L'âme de la France
désastreux. »
Les Américains poussent aussi le général Giraud à jouer les premiers rôles – en tant que rival de De Gaulle. Giraud s'est évadé d'Allemagne, c'est à la fois un adepte de la Révolution nationale, un fervent de Pétain et un anti-allemand.
Mais cet « arrangement », qui évite toute rupture politique entre l'occupation et la libération, et ferait de Vichy le gouvernement de la transition, la France changeant simplement de « maîtres », va échouer.
D'abord parce que les hommes de Vichy ne sont pas à la hauteur de ce dessein.
Au lieu de rejoindre Alger – il en aurait eu l'intention –, Pétain reste à Vichy alors même que la zone libre est occupée par les troupes allemandes le 11 novembre 1942.
L'armée de l'armistice n'ébauche pas même un simulacre de résistance.
La flotte – joyau de Vichy – se saborde à Toulon le 27 novembre. Cet acte est le symbole de l'impuissance de Vichy.
Darlan est assassiné le 24 décembre par un jeune monarchiste lié à certains gaullistes, Fernand Bonnier de La Chapelle. Et Giraud, soldat valeureux mais piètre politique, ne peut rivaliser avec de Gaulle, en dépit du soutien américain.
En fait, c'est l'âme de la France qui s'est rebellée contre cette tentative de la soumettre à une nouvelle sujétion.
Le patriotisme, la volonté de voir la nation recouvrer son indépendance et sa souveraineté, de retrouver sa fierté par le combat libérateur, le sentiment que l'histoire de la France lui dicte une conduite à la hauteur de son passé, qu'il faut effacer cette « étrange défaite », ce 1940 qui est un écho de 1815 et de 1870 – Pétain en Bazaine, et non plus le « chef vénéré » –, ont peu à peu gagné l'ensemble du pays.
Cela ne se traduit pas par un soulèvement général.
La Résistance représente à peine plus de 2 % de la population.
Mais ces FFI, ces FTPF, ces réfractaires, ces maquisards, ces « terroristes », ne sont pas seulement de plus en plus nombreux – le risque du travail obligatoire en Allemagne pousse les jeunes vers la clandestinité dans les villages, les maquis : leurs actions sont approuvées.
Les Allemands (la Gestapo) et les miliciens mènent des opérations de répression efficaces, mais, même s'ils remportent des succès – en juin 1943, arrestation à Calluire des chefs de la Résistance, dont Jean Moulin –, ils ne peuvent étouffer ce mouvement qui vient des profondeurs du pays.
Ce désir de voir renaître la France est si fort que, le 27 mai 1943, les représentants des différents mouvements et partis politiques créent – grâce à la ténacité de Jean Moulin, l'« unificateur » – le Conseil national de la Résistance.
Le CNR élabore un programme politique, économique et social qui le situe dans le droit fil de la République sociale et du Front populaire, par opposition aux principes de la Révolution nationale.
Le CNR reconnaît l'autorité du général de Gaulle, chef de la France combattante.
Dès lors, de Gaulle ne peut que l'emporter face à Giraud.
Il deviendra le président du Comité français de Libération nationale, créé le 3 juin 1943. Une Assemblée consultative provisoire est mise en place le 17 septembre 1943.
« C'est le début de la résurrection des institutions représentatives françaises », dit de Gaulle.
Une armée est reconstituée. Elle libérera la Corse en septembre 1943 – après la capitulation italienne du 8 septembre. Cent trente mille soldats (Algériens, Marocains, Européens d'Algérie) combattront en Italie. L'armée française comptera bientôt 500 000 hommes.
Pétain, Laval et leur gouvernement, dans une France entièrement occupée, ne sont plus que des ombres avec lesquelles jouent les Allemands.
Lorsqu'il tente de justifier sa politique, Laval déclare le 13 décembre 1942 : « C'est une guerre de religion que celle-ci. La victoire de l'Allemagne empêchera notre civilisation de sombrer dans le communisme. La victoire des Américains serait le triomphe des Juifs et du communisme. Quant à moi, j'ai choisi... Je renverserai impitoyablement tout ce qui, sur ma route, m'empêchera de sauver la France. »
Mais sa parole – sans doute sincère – ne peut être entendue. Elle se heurte à la réalité d'une occupation qui devient impitoyable.
Le 26 décembre, vingt-cinq Français sont exécutés à Rennes pour avoir fait sauter le siège de la Légion des volontaires français contre
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