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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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évêques de Chartres, de Bourges, de Beauvais, de Noyon, longent les côtes jusqu'au delta du Rhône, pillent Arles, Nîmes, Valence ?
    Les paysans s'arment ou fuient, échappant ainsi souvent à la condition d'esclaves, et c'est en hommes libres qu'ils s'établissement sur d'autres terres.
    Pendant que ces incursions normandes atteignent le cœur des royaumes francs, leurs rois s'entre-déchirent dans l'espoir de reconstituer à leur profit l'unité impériale perdue.
    Quête vaine, épuisement d'une dynastie dans des guerres fratricides, qui tente en vain de réunir ce qu'on peut commencer d'appeler la France et l'Allemagne.
    C'est l'Église qui va choisir de soutenir une nouvelle dynastie.

    L'Église est d'autant plus puissante que les ordres monastiques se sont développés – l'abbaye bénédictine de Cluny est fondée en 920.
    L'Église réussit au x e siècle à imposer le respect d'une « trêve » puis d'une « paix de Dieu ». Elle entend rétablir l'ordre public en protégeant les églises, les clercs désarmés, les marchands et le bétail, sous peine d'excommunication par les évêques. Des « assemblées de paix » se tiennent à l'initiative et sous l'autorité de ceux-ci. Le poids de l'Église devient ainsi déterminant.

    Quand l'archevêque de Reims, Adalbéron, choisit de soutenir Hugues Capet – héritier de Hugues le Grand –, duc des Francs, contre le dernier des Carolingiens, la balance penche en faveur de ce nouveau souverain.
    Hugues Capet renonce à la Lotharingie, qui restera sous l'influence allemande. Il choisit de régner sur la partie occidentale de l'ancien empire de Charlemagne, cette Francia qui devient alors la France.
    Ainsi commence, avec le règne d'Hugues Capet (987-996), la dynastie capétienne.
    Elle est déjà l'héritière d'une longue histoire qui a façonné un territoire et son âme.
    9.
    C'est le temps des rois de France, et c'est aussi l'an mil.
    Le sacre confère aux souverains capétiens le pouvoir de faire des miracles.
    Rois thaumaturges, ils sont les représentants du Christ sur la terre, les vicaires de Dieu en notre monde.
    Rois-prêtres, ils ont accès au surnaturel.
    Le sacre a fait d'eux des « oints du Seigneur ». Ils font sacrer leur héritier, l'aîné de leurs fils. Attenter à leur pouvoir, les menacer, les agresser, est naturellement un acte sacrilège qui se paie de la vie.
    Ils sont rois de droit divin, participent à la liturgie et deviennent ainsi des hommes au-dessus des autres hommes.
    Ils protègent les hommes d'Église, tous les lieux de culte : les premières cathédrales qui surgissent à Orléans, Chartres, Nevers, Auxerre, ainsi que les monastères. Et ils condamnent au bûcher les hérétiques.
    Ce roi qui, le jour de son sacre, guérit en touchant les écrouelles, qui accomplit des miracles, répète les gestes de Jésus.
    Il lave les pieds des pauvres assemblés autour de lui durant la semaine sainte. Il distribue du pain, des légumes, un denier. Et il peut même, tel le Christ, rendre la vue à un aveugle.
    Ainsi, l'âme française s'imprègne du respect qu'elle doit à ces monarques au pouvoir surnaturel.

    Elle est d'autant plus marquée par ce caractère de représentant du Christ que la peur est au cœur de ce xi e  siècle durant lequel se succèdent Robert II le Pieux (996-1031), Henri I er (1031-1060) et Philippe I er (1060-1108).
    Les chroniqueurs, les prédicateurs, les devins, annoncent la fin des temps.
    Car qui pourrait réfuter, en cette millième année depuis la Passion du Seigneur, la prophétie de l'Apocalypse : « Mille ans écoulés, Satan sera relâché de sa prison et s'en viendra séduire les nations des quatre coins de la terre. »
    Cette certitude fait de chaque événement un signe.
    L'éclipse donne au soleil la couleur du saphir. Les hommes, se regardant les uns les autres, se voient pâles comme des morts. Les choses semblent toutes baignées d'une vapeur couleur safran. Une stupeur et une épouvante jamais vues s'emparent alors du cœur des hommes.
    Comment ne se tourneraient-ils pas vers ce roi de la Francia , comment ne s'agenouilleraient-ils pas devant lui ? Ne tient-il pas son pouvoir de Dieu, et ne représente-t-il pas le Christ ici-bas ?

    Ainsi s'amorce le mouvement qui pousse vers le souverain les habitants du royaume que tenaillent la peur, la misère, la famine, l'insécurité, la terreur devant l'apocalypse.
    On saisit à l'origine ce lien particulier – religieux –

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