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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l'Espagne, sent que la mort l'envahit : de la tête elle gagne le cœur... Il se met à se resouvenir de bien des choses, de toutes les terres qu'il a conquises, de la douce France »...

    Le royaume de France n'est plus seulement le domaine personnel des Capétiens.
    Il est la « douce France », qui appartient à tous ceux, chevaliers, clercs, poètes, manants, qui la peuplent et qui l'aiment.
    Tous font vivre et se partagent l'âme de cette « douce France ».
    11.
    Le roi Philippe Auguste, qui hérite à la mort de son père Louis VII de la « douce France », et qui va régner d'un siècle à l'autre (1180-1223), quarante-trois ans, ne veut plus se nommer « roi des Francs », comme c'était encore l'usage pour les premiers Capétiens.
    Il est le « roi de France ».
    Et ce changement de titulature dit son ambition, la conscience qu'il a de n'être plus seulement le suzerain de grands vassaux, le maître d'un domaine royal, mais celui de tout un peuple qui commence à faire « nation ».
    Le chanoine de Saint-Martin de Tours qui brosse son portrait écrit : « Beau et bien bâti, chauve, d'un visage respirant la joie de vivre, le teint rubicond, il aimait le vin et la bonne chère, et il était porté sur les femmes. Généreux envers ses amis, il convoitait les biens des adversaires et il était très expert dans l'art de l'intrigue... Il réprimait la malignité des Grands du royaume et provoquait leurs discordes, mais il ne mit jamais à mort nul qui fût en prison. Recourant au conseil des humbles, il n'éprouvait de haine pour personne, sinon un court moment, et il se montra le dompteur des superbes, le défenseur de l'Église et le nourrisseur des pauvres. »
    Sur le socle construit par ses prédécesseurs, il bâtit un État. Et tout au long de son règne prolongé par celui de son fils Louis VIII (1223-1226), avec l'aide de ses baillis, de ses prévôts, de ses sénéchaux, il agglomère autour du domaine royal de nouveaux territoires. Il domine les grands vassaux de la Flandre, de la Champagne, de la Bourgogne. Au mitan du xiii e  siècle, le royaume aura atteint la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée.
    C'est la France, et le pape Innocent III reconnaît qu'aucune autre autorité temporelle en ce monde n'est supérieure à celle de son roi.

    Ainsi, en ces cinquante années qui terminent le xii e  siècle et commencent le xiii e , la France s'est-elle imposée comme la grande puissance continentale.
    Elle est riche d'hommes, chevaliers, marchands, paysans. Elle a les fleuves et les routes pour le transport des marchandises qui vont et viennent du sud au nord. Le roi lève les impôts, et, quand il le juge bon, il pressure, menace, expulse, rouvre ses portes aux juifs, manieurs et prêteurs d'argent. C'est le commandeur de l'ordre du Temple, Aimard, qui gère la trésorerie du roi. Les Templiers, présents en Terre sainte et dans toute l'Europe, assurent les transferts de fonds. On tient des comptes précis. On dispose d'archives. Une administration se met ainsi en place à Paris.
    C'est la plus grande ville d'Occident (50 000 habitants). Philippe Auguste la protège par une enceinte fortifiée. Deux grandes voies pavées – Saint-Martin et Saint-Denis – la parcourent sur la rive droite de la Seine. La rue Saint-Jacques, reprenant le tracé de la voie romaine, gravit sur la rive gauche la montage Sainte-Geneviève. La ville s'étend. Les vignes reculent. L'Université conquiert des privilèges (1215), un statut qui, entre le pape et le roi, lui assurent son indépendance.

    Paris révèle la puissance du roi. Dans la tour du Louvre, on enferme les trésors et les prisonniers. Dans le donjon du Temple, on entasse les coffres emplis d'argent. Qui douterait que le souverain qui dispose d'une telle capitale ne soit le plus grand ? Il peut acheter des alliés, corrompre des adversaires, garder sur pied une armée de deux à trois mille hommes, noyau autour duquel s'agrègent, en cas de besoin, des mercenaires, des routiers, des soudards, des « cotteraux » qui ne sont plus des chevaliers, mais des hommes d'armes aguerris, sergents et arbalétriers montés, fantassins.
    Ainsi se constitue un pouvoir d'État disposant d'une administration, avec ses hommes et ses rouages, d'une « diplomatie », d'une force militaire capable de briser les résistances que peut rencontrer le roi de France dans ses désirs de conquête.
    Le pape lui-même est contraint de composer avec ce

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