L'âme de la France
trouvant subitement transformée en jour et resplendissant de tant d'éclats et de lumières, dit aux étoiles et à la lune : Je ne vous dois rien ! Tant le seul amour du roi portait les peuples à se livrer aux transports de leur joie dans tous les villages... »
L'âme de la France naît de cette représentation d'un peuple uni autour de son souverain, de cette fusion de tous et de cette ville capitale, Paris, qui l'exprime.
Ce mouvement magnifié – rêvé pour une bonne part – renforce le pouvoir royal.
Le roi soutient les seigneurs et les moines cisterciens qui ont conduit la croisade contre les terres et les villes opulentes du Languedoc, ces populations converties à l'hérésie cathare.
Simon de Montfort et l'abbé de Cîteaux, Amalric, organisent la conquête, massacrent et pillent (sac de Béziers en 1209).
Le roi d'Aragon, venu au secours de Raymond VI de Toulouse, son vassal, est battu à Muret (1213). Louis, le fils de Philippe Auguste, cueille ces territoires et massacre à son tour (Marmande, 1218).
Roi en 1223, il apportera au royaume de France le Poitou et la Saintonge, La Rochelle et Avignon.
Le royaume de France atteint désormais la Méditerranée.
Le Nord a conquis les peuples du Sud.
En 1244, l'hérésie cathare brûle avec Montségur.
L'âme de la France se nourrit aussi de la cruelle violence de l'État.
Le peuple de France – et d'abord celui du Sud – ne l'oubliera pas.
12.
L'enfant de douze ans qui, en 1226, devient le roi Louis IX, sait que son royaume de France est, avec ses 13 millions d'habitants, le plus peuplé, le plus puissant, le plus riche, le plus influent de la chrétienté.
Il a vu son grand-père Philippe Auguste et son père Louis VIII gouverner, repousser et vaincre les Anglais et les Impériaux.
Il est entouré de leurs conseillers, de leurs évêques, de leurs chapelains, et sa mère Blanche de Castille exerce la régence avec autorité.
L'État, avec ses agents, sa monnaie, ses prévôts – le plus important est celui de Paris, qui siège au Châtelet –, a déjà sa vie propre, même quand le roi est un enfant ou bien quand, plus tard, en 1249, Louis IX partira en croisade, sera fait prisonnier et restera hors de France pendant près de cinq années.
Louis dira à ses proches, conseillers, laïques et clercs : « Gardez-vous de croire que le salut de l'Église et de l'État réside en ma personne. Vous êtes vous-mêmes l'État et l'Église ! »
Humilité d'un souverain qui veut être l'incarnation du roi chrétien idéal et qui, promulguant une Grande Ordonnance (1254), déclare :
« Du devoir de la royale puissance nous voulons moult de cœur la paix et le repos de nos sujets... et avons grande indignation encontre ceux qui injures leur font et qui ont envie de leur paix et leur tranquillité. »
Au fur et à mesure que son règne se déroule – il durera quarante-quatre ans, de 1226 à 1270, faisant de ce xiii e siècle le siècle de Saint Louis, puisque Louis IX est canonisé en 1297 par le pape Boniface VIII –, sa grande et maigre silhouette semble s'affiner encore dans une austérité mystique, comme s'il voulait mieux exprimer l'essence de la monarchie française, chrétienne en son principe fondateur.
« Le Roi, dit Joinville, son conseiller et biographe, se maintint si dévotement que jamais plus il ne porta ni vair ni petit-gris, ni écarlate, ni étriers ou éperons dorés. Ses vêtements étaient de camelin ou de drap bleu-noir. Les fourrures de ses couvertures et de ses robes étaient de peaux de daims ou de pattes de lièvres. Il était si sobre qu'il ne choisissait jamais sa nourriture. »
Ainsi, dans l'âme française, le souverain, déjà placé au-dessus des hommes par le sacre, devient-il aussi l'homme qui doit – au-delà de la politique qu'il mène – incarner la piété, le souci de la justice et de la paix pour ses sujets.
Il n'est pas seulement respecté, vénéré ou craint. Il est aimé pour ses vertus. Il est « saint » avant même d'être canonisé.
Et quand, en 1228, le jeune roi de quatorze ans, pour éviter d'être enlevé par des grands qui veulent ainsi prendre barre sur lui, se réfugie, rentrant d'Orléans, derrière l'enceinte fortifiée de Montlhéry, les milices communales de Paris et d'Ile-de-France, les chevaliers du domaine royal, le délivrent, et le peuple en cortège lui souhaite longue vie en le reconduisant dans sa capitale, Paris.
La vie exemplaire
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