L'amour à Versailles
trépigne : le roi est épris, et quand il aime, il reste admiratif. L'amour le paralyse.
Richelieu ne sait plus que faire pour se débarrasser de la prude, dont il n’obtient pas plus que le roi. Qui plus est, tout cardinal qu’il est, Louise l’a pris en grippe et cherche à l’éloigner de Louis XIII. Richelieu intercepte leur correspondance, espérant y découvrir des audaces, des mots suggestifs, n’importe quoi, qui, révélé au grand jour, pourrait nuire à l’aura grandissante de Louise. Rien. Les lettres parlent de religion, de philosophie et de morale. C'est à désespérer. A bout de ruses, le cardinal va même jusqu’à substituer des faussesmissives (les a-t-il écrites lui-même?) visant à brouiller les amoureux. La supercherie est découverte : il faut dire que le style admiratif et révérencieux de l’un et la plume dévote et policée de l’autre, étaient assez inimitables. Richelieu s’en tire en faisant accuser l’homme de main qui lui servait d’émissaire, Boisenval.
En 1637, Louis XIII lance une nouvelle offensive et propose à sa dulcinée non plus de venir le rejoindre à Versailles, mais qu’ils s’y retirent tous les deux. La réponse ne se fait pas attendre : le 19 mai de la même année, Louise entre au couvent de la Visitation, rue Saint-Antoine, à Paris. Il insiste : « Songe à la douceur d’aller vivre là-bas ensemble. » Elle lui répond : « Je préfère être nonne. » Certes, entrer en religion est pratique commune à l’époque, et une femme n’a guère d’autre choix que se marier ou épouser Dieu, voire de devenir religieuse lorsqu’elle est veuve. Le couvent est alors le seul moyen d’échapper au diktat masculin. Il n’empêche : le départ de la jeune femme provoque un véritable tollé. On raconte que tout Paris venait en foule rue Saint-Antoine pour y voir madame de La Fayette et la supplier de ne pas quitter le roi.
Louis XIII se retrouve seul, soupirant éconduit devant la France entière, abandonné à la reine qu’il déteste. Que faire? Nous sommes à l’époque desmousquetaires, créés en 1622 lorsque le roi dota de mousquets une compagnie de chevau-légers de la garde. En cas de chagrin d’amour, rien de tel que l’activité physique et une compagnie masculine. Louis XIII a alors trente-six ans, l’âge de raison pour un homme déjà trop raisonnable : il croise le fer, mais n’écarte plus les cuisses, pas celles des dames en tout cas. Déçu par la gent féminine, il préfère s’entourer d’hommes. Parmi eux, Henri Coiffier de Ruzé, plus connu sous le nom de marquis de Cinq-Mars. Une fois encore, c’est Richelieu qui s’est fait l’entremetteur. Le cardinal est pragmatique : puisqu’il n’obtient rien des « amies » du roi, qui a eu le mauvais goût de porter son dévolu successivement sur une forte tête et une bigote, en tous les cas sur deux intransigeantes, il s’essaie au sexe fort, et introduit le beau Cinq-Mars à la Cour en 1639.
Le marquis est un jeune garçon de dix-neuf ans, vif, brave, blond et noble : toutes les qualités de Louise et de Marie faites homme. L'amitié est immédiate et réciproque. La jeunesse et la gaîté du marquis divertissent le quadragénaire mélancolique. Le garçon ne tarde pas à obtenir le rang de favori, puis à devenir grand écuyer de France. Louis XIII lui offre le comté de Dammartin. L'idylle est imminente, voire, si l’on en croit Tallemant des Réaux, consommée. Les nombreusesparties de chasse semblent louches : Cinq-Mars est trop beau, le roi trop malhabile avec les femmes. Cela suffit à faire une Historiette :
« On m’a dit qu’en je ne sais quel voyage le roi se mit au lit vers sept heures. Il était fort négligé ; à peine avait-il une coiffe à son bonnet. Deux grands chiens sautent aussitôt sur le lit, le gâtent tout, et se mettent à baiser Sa Majesté. Il envoya déshabiller M. Le Grand, qui revint paré comme une épousée : “ Couche-toi, couche-toi ”, lui dit-il d’impatience. Il se contenta de chasser les chiens sans refaire le lit, et ce mignon n’était pas encore dedans qu’il lui baisait déjà les mains. »
Malheureusement, toujours selon Tallemant, Louis XIII n’eut pas plus de succès avec Cinq-Mars qu’avec Hautefort et La Fayette. Le jeune homme ne tarde pas à succomber au mortel ennui qui saisit ceux et celles que le roi courtise.
Qui serait assez fou pour croire au couple? A bout de manigances, Richelieu favorise le favori.
Weitere Kostenlose Bücher