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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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heures.
    –  C’est curieux, comme, la nuit, le temps semble immobile. Il pourrait tout aussi bien être trois heures ou sept. Seules les aiguilles de l’horloge nous disent que l’heure avance.
    –  Et cependant, c’est la nuit que tout arrive.
    –  • Qu’est-ce qui est arrivé ?
    –  Tout ce qui deviendra visible durant le jour. »
    Elle prit le verre et but. Elle était très belle et il eut conscience de l’aimer. Elle n’était pas belle à la manière d’une statue ou d’un tableau. Elle était belle comme une prairie à travers laquelle souffle le vent. Elle était belle de toute la vie qui palpitait en elle et qui l’avait formée mystérieusement par la rencontre de deux cellules dans la profondeur d’un être. L’énigme indéchiffrable contenue dans la graine microscopique, presque invisible et qui tenait pourtant la promesse d’un arbre immense couronné de feuilles et chargé de fruits. Le miracle qui voulait que d’une nuit d’amour, de la rencontre de deux substances, soient nés cette tête, ces épaules, ces yeux, qui un soir parmi des millions d’êtres, seraient là, sur le pont de l’Aima, et viendraient vers lui…
    « Pourquoi tout arrive-t-il la nuit ? dit Jeanne.
    –  Viens tout contre moi, mon amour qui me reviens de l’abîme du sommeil ! C’est parce que le sommeil et la nuit nous trahissent toujours. Tu te souviens comme nous nous sommes endormis ce soir tout près l’un de l’autre, aussi près qu’il est possible de l’être. Nos fronts, notre peau, nos pensées, nos haleines se touchaient. Le sommeil gris, incolore s’est peu à peu glissé entre nous ; il a coulé dans nos veines, il a engourdi notre sang, il nous a privés peu à peu de conscience… Et soudain, nous avons été seuls, nous sommes partis à la dérive, emportés par un courant inconnu, livrés à tous les pouvoirs sombres, à toutes les menaces informes. Je me suis éveillé et je t’ai vue. Tu dormais encore. Tu étais loin de moi. Tu ne connaissais plus rien de moi. Tu étais là où je n’aurais jamais pu te suivre. » Il posa un baiser sur la chevelure soyeuse.
    « Comment notre amour peut-il être parfait, quand je te perds chaque nuit dans le sommeil ?
    –  Mais je dors tout près de toi, à tes côtés, dans tes bras.
    –  Tu étais quand même dans une contrée inconnue. Tu étais dans mes bras, mais tu étais séparée de moi par tout un univers. Lorsque tu es loin pendant le jour, cela ne fait rien. Le jour, j’ai conscience de tout. Mais la nuit…
    –  J’étais avec toi.
    –  -Non, tu étais seulement à côté de moi. Comment savoir si on ne reviendra pas complètement changé, transformé, de cette région mystérieuse ?
    –  Toi aussi.
    –  Oui, moi aussi. Et maintenant, rends-moi le verre. Pendant que je dis des bêtises, tu bois du calvados.
    –  Je suis heureuse que tu te sois éveillé, Ravic. Bénie soit la lune ! Sans elle, nous aurions dormi inconscients l’un de l’autre. Ou même l’idée de départ aurait pu germer dans ta tête ou dans la mienne, pendant l’inconscience. Un jour, elle aurait pu grandir et se développer. »
    Jeanne se mit à rire.
    « Tu ne prends pas cela très au sérieux, dit Ravic.
    –  Non. Et toi ?
    –  Non plus.
    –  Je n’ai pas peur. Je crois en nos corps. Ils savent mieux ce qu’ils veulent que les pensées qui hantent notre cerveau la nuit.
    –  Essayons du moins. Tu ressembles à tous les désirs d’un homme, plus un dont il n’était pas conscient.
     –  Nous devrions nous éveiller chaque nuit, dit-elle. La nuit, tu es différent.
    –  Mieux ?
    –  Différent. La nuit, tu es plein de surprises. Tu sembles toujours arriver de l’inconnu.
    –  Et le jour ?
    –  Quelquefois, pas toujours.
    –  Tu ne m’aurais pas dit cela il y a quelques semaines.
    –  Non. Il y a quelques semaines, je te connaissais moins. »
    Il n’y avait pas, dans le visage qu’il observait, la moindre ambiguïté. Elle disait cela tout naturellement. Elle ne cherchait ni à le blesser, ni à dire quelque chose d’important.
    « À mesure que tu me connaîtras mieux, je te surprendrai de moins en moins.
    –  Moi aussi.
    –  Non. Pas toi.
    –  Pourquoi ?
    –  La raison en est cinquante mille ans de biologie. L’amour rend la femme clairvoyante, mais il aveugle l’homme.
    –  Alors tu m’aimes ?
    –  Oui.
    –  Tu ne le dis pas assez souvent. »
    Elle s’étira avec

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