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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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qui avaient besoin d’aide, mais simplement pour combattre jusqu’au dernier soupir. Mais l’attente corrosive, et peut-être sans espoir, s’augmentait de la crainte secrète que, le moment venu, le corps et l’esprit ne fussent trop brisés, trop rongés, trop inertes, que les cellules ne fussent trop disloquées pour qu’on pût avancer avec les autres. N’était-ce pas la raison pour laquelle on s’épuisait rageusement à rejeter dans l’oubli tous les souvenirs qui sont les parasites de la force nerveuse, pourquoi on s’acharnait à les détruire à force de dureté, de sarcasme et d’ironie, à se réfugier dans une personnalité nouvelle et différente ? Autrement, la sombre marée ne reviendrait-elle pas sans cesse nous engloutir, quand nous sommes la proie du sommeil et des fantômes ?
    La lune avait changé de place dans le ciel. Elle n’était plus comme un halo crucifié. Elle était maintenant un obscène voyageur, dont le regard pénétrait dans les chambres et dans les lits. Ravic était parfaitement éveillé. Son rêve s’était enfui. Il en avait enduré de plus terribles, mais celui-ci était le premier qu’il eût eu depuis longtemps. Il réfléchit qu’il n’avait pas rêvé une seule fois depuis qu’il avait cessé de dormir seul.
    Il chercha à tâtons autour de lui. La bouteille n’était pas là. Elle était sur la table dans le coin de la pièce. Il hésita un moment. Il n’avait plus besoin de boire. Il le savait. Il n’avait pas besoin non plus de résister au désir de boire. Il se leva et alla pieds nus jusqu’à la table. Il but. C’était ce qui restait du vieux calvados. Il leva le verre vers la fenêtre, et dans le rayon de lune, celui-ci parut contenir une opale liquide. Il s’aperçut que Jeanne avait ouvert les yeux, et qu’elle le regardait. Il ne savait pas si elle était vraiment éveillée.
    « Ravic, dit-elle.
    –  Oui.
    –  Ravic, répéta-t-elle, d’une voix altérée, que fais-tu là ?
    –  Je bois.
    –  Pourquoi ? demanda-t-elle, en se dressant dans le lit. Qu’y a-t-il ? Que s’est-il passé ?
    –  Rien du tout. »
    Elle rejeta ses cheveux en arrière.
    « Mon Dieu ! dit-elle, comme j’ai eu peur !
    –  Je ne voulais pas t’effrayer. Je ne croyais pas que tu t’éveillerais.
    –  J’ai eu l’impression que tu étais parti. Cela m’a fait l’effet d’un vent glacé. Et soudain, je t’ai aperçu là, dans le coin. N’est-il rien arrivé ?
    –  Rien du tout, Jeanne. Je me suis éveillé et j’ai voulu boire quelque chose.
    –  Donne-m’en un peu. »
    Ravic emplit le verre et vint jusqu’au lit.
    « Tu as l’air d’une enfant », dit-il.
    Elle lui prit le verre des mains et but une gorgée. Elle le regarda et demanda : « Pourquoi t’es-tu éveillé ?
    –  Je ne sais pas. C’est probablement la lune.
    –  Je déteste la lune.
    –  Tu l’aimeras à Antibes.
    –  Irons-nous vraiment ?
    –  Bien sûr.
    –  Nous allons vraiment quitter ce brouillard et cette pluie ?
    –  Oui, nous allons les quitter.
    –  Redonne-moi à boire.
    –  Tu ne veux pas dormir ?
    –  Non. Quel dommage qu’il faille dormir ! On manque tout de la vie, quand on dort. C’est le bon calvados. Ne devions-nous pas l’emporter avec nous ?
    –  Il ne faut jamais chercher à emporter quoi que ce soit.
    –  Jamais ? dit-elle en le fixant.
    –  Jamais. »
    Ravic alla jusqu’à la fenêtre et tira les rideaux. Ils ne fermaient qu’à demi et la clarté de la lune semblait diviser la pièce en deux zones d’ombre.
    « Pourquoi ne reviens-tu pas dans le lit ? » demanda Jeanne.
    Ravic était à côté du canapé, de l’autre côté du rayon de la lune. Il devinait Jeanne assise dans le lit. Sa chevelure retombait sur son cou. Elle était nue. Entre eux, coulait la clarté lunaire, comme entre deux rivages sombres. Les rayons glissaient dans la pièce remplie de l’odeur chaude du sommeil venu de l’éther noir et glacé, une lumière brisée, réfléchie par un astre mort, des rayons solaires chauds et vibrants, magiquement transformés en cette rivière de plomb, qui coulait sans cesse, et pourtant n’emplissait jamais la chambre ?
    « Pourquoi ne viens-tu pas ? » demanda Jeanne.
    Ravic traversa la pièce. Quelques pas qui lui parurent une longue distance à franchir.
    « Quelle heure est-il ? »
    Ravic regarda les chiffres phosphorescents du cadran de sa montre.
    « Environ cinq

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