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L'archer démoniaque

L'archer démoniaque

Titel: L'archer démoniaque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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charitables. Il jeta son arc sur son dos, ôta la chape {1} que lui avait donnée son ami et en enveloppa le cadavre, puis le souleva et s’enfuit, à moitié courbé, à travers la sente, sous les arbres.
    « Exsurge Domine ! Exsurge et vindica causam meam ! » « Dresse-toi, ô Seigneur ! Dresse-toi et juge ma cause ! »
    Les religieuses du prieuré de St Hawisia entonnaient, comme le leur avait appris Lady Johanna, la maîtresse de choeur, les premiers versets de l’office de prime. Elles se tenaient dans des stalles de bois ciré, rangée après rangée de dames en blanc, leurs habits de pure laine rehaussés seulement par les guimpes crème amidonnées qui encadraient leurs visages. Des cordelettes de velours noir enserraient leurs tailles sveltes et chacune portait au cou une médaille d’argent représentant leur patronne, sainte Hawisia. Elles tenaient toutes leur livre d’heures, comme on le leur avait enseigné, et articulaient avec soin les mots, craignant l’oeil d’aigle de leur prieure, Lady Madeleine, assise dans sa vaste stalle semblable à un trône.
    On ne donnait pas d’âge à Lady Madeleine. Ses cheveux, bien sûr, étaient cachés, mais son visage ovale était lisse, sans pli ni ride. Elle avait des yeux bleu de glace, un nez pointu et crochu et une bouche mince et serrée quand elle perdait patience. Demi-soeur de Lord Henry, femme bien équilibrée et de bonne naissance, Lady Madeleine gouvernait son florissant prieuré avec autant de rigueur qu’un baron son domaine ou un sénéchal son château. Elle savait s’avancer avec la dignité d’une reine ou la légèreté d’un chat quand elle s’apprêtait à fondre sur une proie, comme disaient les nonnes, en quête d’une infraction ou de quelque désordre. Elle semblait douée du don d’ubiquité, et ne rien ignorer de leurs fautes et de leurs faiblesses cachées. Et, surtout, Lady Madeleine semblait pouvoir, en même temps, lire son livre d’heures, chanter les chants divins et pourtant observer sans faillir chacune d’entre elles. Toutes avouaient la craindre, la sous-prieure, Lady Agnes, ou la maîtresse des novices, Lady Marcellina, comme les autres.
    En vérité, Lady Madeleine pouvait aussi garder ses pensées par-devers elle, et, tout en parcourant son livre d’heures, en écoutant les chants et en surveillant ses soeurs en Jésus-Christ, être distraite par les mots du psaume. « Satan rôdait comme un ennemi ! » Même ici, pensait la prieure. Son prieuré de St Hawisia était peut-être un étincelant joyau serti dans la calme verdure de la forêt d’Ashdown, mais hors les murs se tapissaient des malfaiteurs, comme le Hibou, cet ardent prêcheur de frère Cosmas, le peuple de la forêt et, par-dessus tout, Lord Henry, son narquois de demi-frère.
    Lady Madeleine ferma les yeux, puis se ressaisit et regarda le livre d’heures enluminé posé sur le lutrin devant elle. Au début du psaume, le peintre avait dessiné une petite vignette représentant le diable, vêtu comme un chevalier en armure rouge, et tenant entre ses griffes une bannière frappée de trois grenouilles noires. « Comme c’est pertinent ! » pensa Lady Madeleine. Satan était un séraphin déchu, un chevalier éternellement révolté contre le bon Seigneur {2} , Jésus, exactement comme son demi-frère. Exactement comme bien des chevaliers ! Madeleine était fière que son splendide prieuré soit un sanctuaire où les femmes pouvaient fuir le monde cruel et impitoyable des hommes.
    Elle jeta un coup d’oeil sur sa droite à travers les piliers de marbre qui séparaient le choeur de la grande chapelle latérale abritant les restes bénits de la vierge et martyre sainte Hawisia qui gisait là dans son tombeau de chêne poli. Sur le dessus, la châsse de pur verre, renforcée de baguettes d’argent, était l’oeuvre d’un artisan spécialement venu de Chartres, en France. La prieure plissa les yeux. De sa place, elle apercevait, sous le couvercle transparent, les cheveux d’or enroulés sur l’oreiller de soie brodé. C’était la relique la plus précieuse du prieuré, une source de vénération, de pèlerinage et, bien entendu, de bénéfices. Et à présent, grâce à la récente restauration exécutée par son demi-frère, la châsse était encore plus belle. Le printemps venu, la nouvelle se serait répandue et des pèlerins en plus grand nombre se rassembleraient pour venir y faire leurs dévotions. Lady Madeleine se

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